RD Congo – Olivier Tshimanga : « Papa Wemba, c’était mon père »
Révélé par la chanson « Pénitence na ngai » de Papa Wemba, le guitariste congolais Olivier Tshimanga rend hommage à son « père », à celui qui lui a permis d’être connu sur la scène musicale de la RD Congo et d’ailleurs.
C’est probablement à lui que la rumba congolaise de ces dernières années doit ses meilleurs solos de guitare. Pendant une dizaine d’années, Olivier Tshimanga a participé à de nombreuses chansons à succès de Papa Wemba.
Arrivé en France en 2003 avec Bana OK du « poète » Simaro, Olivier Tshimanga a été révélé au grand public grâce à son solo de guitare dans Pénitence na ngai de Papa Wemba (Banzonkio, sorti en 2005). Le début d’une longue collaboration avec l’homme qui l’appelle aujourd’hui « père ».
Jeune Afrique : Vous êtes l’un des artistes congolais qui ont beaucoup collaboré ces dernières années avec Papa Wemba. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de sa mort sur scène à Abidjan ?
Olivier Tshimanga : La mort de Papa Wemba, comme celle de tant d’autres personnes célèbres, a souvent fait l’objet de spéculations. Récemment encore, des rumeurs annonçant son décès circulaient alors qu’il était hospitalisé en France.
La mort de Papa Wemba, c’est la fin d’une époque
Le 24 avril, lorsqu’un ami m’a appris le matin sur Facebook que Papa était mort à Abidjan, je ne l’ai pas cru. Cinq heures plus tard, la RTNC, la chaîne nationale congolaise, a confirmé le décès de Papa Wemba. J’étais effondré. J’ai pleuré comme un petit enfant. Je me suis dit tout de suite que notre génération a désormais un grand travail à faire parce qu’avec la mort de « Papa », c’est une époque de la musique congolaise qui vient de s’arrêter.
Que représentait Papa Wemba sur la scène musicale congolaise ?
Papa Wemba, c’est une icône, une légende, un monument de la musique congolaise. C’est toute une institution. C’est le seul artiste congolais qui a sillonné les quatre coins du monde avec sa rumba rock et sa voix perchée. Il représentait le socle de la musique congolaise moderne.
Nous avons connu les écoles de Wendo Kolosoy, père de la rumba congolaise, de Grand Kallé, de Tabu Ley, de Zaïko Langa Langa. Puis, il y a eu l’école de Papa Wemba. Koffi Olomidé, Kester Emeneya, Reddy Amisi, JB M’Piana, Werrason et tous les autres appartiennent à la « Génération Papa Wemba ». C’est lui qui les a influencé d’une manière ou d’une autre, avec notamment son riche répertoire musical ouvert vers le monde.
Papa Wemba a modernisé la rumba congolaise.
Qu’a-t-il apporté concrètement dans la rumba congolaise ?
L’apport de Papa Wemba dans la musique congolaise est tellement immense que je ne sais pas le définir, le décrire. Il en était le noyau dur. C’est lui qui a modernisé la rumba congolaise et a fait de la rumba une musique qui dépasse aujourd’hui les frontières nationales, voire continentales. À travers le monde, lorsque l’on parle de la RD Congo, l’on évoque d’abord sa musique et l’on voit Papa Wemba.
Comment avez-vous rencontré Papa Wemba ?
J’avais à peine 5 ans lorsque j’ai rencontré pour la première fois Papa Wemba. Il habitait la même rue que mes parents. À Kanda-Kanda, Matonge, Kinshasa. Il vivait au numéro A42 et nous étions au A16. Une fois il est passé devant chez nous et je suis sorti pour le taquiner par la parodie célèbre d’une de ses chansons : « Papa Wemba akeyi bilanga, ayei na pondu… » Il m’a pris dans ses bras et m’a amené jusqu’à chez lui. Maman Amazone [le surnom affectueux de la femme de Papa Wemba, NDLR] m’a offert un Fanta. Mes frères ne sont venus me chercher que plus tard.
Mais sur le plan artistique, notre rencontre a eu lieu à Paris lorsqu’il enregistrait l’abum Bazonkio (sorti en 2005). Il m’a passé un coup de fil et m’a proposé de jouer le solo de guitare de Pénitence na ngai qui sera la chanson phare de l’album. Et voilà mon nom connu et ma carrière propulsée !
Papa Wemba, c’était la star qui donnait la chance aux jeunes
Parce que Papa Wemba, c’était aussi la star qui donnait la chance aux jeunes, sans se poser de questions. Il suffisait d’avoir du talent pour être accepté à ses côtés. Il m’a ainsi fait confiance et des collaborations se sont enchaînées : Ye te oh, Kaka yo dans lequel j’ai composé Belle inconnue (piano bar) interprété par Papa Wemba. Et dans Maître d’école, son dernier album (sorti en 2014), j’ai également écrit une chanson et participé à la guitare à plusieurs autres.
Vous qui l’avez côtoyé, travaillé avec lui, comment décrirez-vous l’homme ?
Humble, timide mais un grand cœur. Pour moi, c’était mon père. Je le lui disais même de son vivant. D’ailleurs, je l’appelais souvent « papa ».
Humainement, Papa Wemba était quelqu’un de très social, ses bras toujours ouverts à tout le monde. C’était même là sa force.
Qu’avez-vous appris à ses côtés ?
J’admirais toujours la manière de Papa Wemba de gérer la scène
Papa Wemba aimait la diversité. Il me demandait toujours de ne pas me contenter de ce que je savais faire déjà, mais d’aller chercher dans d’autres univers musicaux.
J’ai également effectué plusieurs tournées à travers le monde avec lui. J’admirais toujours sa manière de gérer la scène. Il contrôlait tout. Sa seule présence dégageait quelque chose de très fort. « Lorsqu’un artiste débarque quelque part, il doit se passer quelque chose », me répète-t-il. C’est ce que j’essaie aussi de faire aujourd’hui dans mes concerts.
Quid de l’après Papa Wemba ?
Tout au long de sa carrière Papa Wemba a formé beaucoup de jeunes. J’en fais partie. Je suis confiant que cette nouvelle génération va reprendre le flambeau et continuer à faire bouger l’Afrique. Car Papa Wemba nous a déjà ouvert des portes et son étoile continuera à nous guider, à nous propulser.
Mon énorme regret, c’est de n’avoir pas réalisé des projets que nous avions ensemble, notamment l’enregistrement de son prochain album. Certains titres de l’opus quasiment finis se trouvent dans mon studio. Je souhaitais également réaliser un duo avec lui dans mon deuxième album. Je lui demande pardon pour avoir raté ces rendez-vous.
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