Au Gabon, la moindre goutte de pétrole compte
Les autorités gabonaises parient sur la mise en valeur des champs marginaux – mais aussi sur d’éventuelles découvertes offshore – pour retrouver le niveau de production pétrolière d’antan.
À Koula, petit village du département de Ndolou (province de Ngounié, dans le sud du Gabon), ce vendredi 10 décembre est un grand jour. Après plusieurs reports, l’inauguration officielle par Ali Bongo Ondimba d’un nouveau champ pétrolier a finalement lieu. Dans les rangs des salariés du site flambant neuf opéré par Shell Gabon, Sinopec et Addax Petroleum Gabon (filiale à 100 % de Sinopec), on se félicite de la venue du président et d’une partie du gouvernement. Du côté des autorités, on affirme que le déplacement du chef de l’État pour inaugurer un champ dont les réserves sont pourtant assez modestes (41 millions de barils récupérables sur 80 millions) est une preuve de son soutien aux acteurs d’une industrie vitale pour l’économie du pays.
Maintenir la production
Il faut dire que la production pétrolière du Gabon stagne depuis quelques années. De 371 000 barils par jour (b/j) en 1997, elle a progressivement baissé pour s’établir à 243 000 b/j en 2007. Depuis, elle tourne autour de 250 000 b/j, selon les statistiques officielles. À défaut d’une découverte majeure qui permettrait de relancer significativement le secteur, les mots d’ordre du secteur pétrolier gabonais restent pour l’heure la mise en valeur des champs marginaux et l’utilisation de nouvelles technologies pour accroître la production des champs matures.
« Nous avons initié une politique fiscale particulièrement incitative en direction des entreprises juniors pour favoriser le développement des champs marginaux. Et c’est cette politique qui nous permet aujourd’hui de maintenir le niveau de la production. Car, parfois, les majors se désintéressent de ces champs qu’elles estiment peu rentables », explique Julien Nkoghé Békalé, le ministre gabonais des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures.
Le développement de petits gisements est donc plus que bienvenu pour le Gabon, autrefois troisième producteur d’Afrique subsaharienne, et aujourd’hui sixième. « Des pays comme le Nigeria demeurent des puissances pétrolières parce qu’ils mettent en valeur tous les gisements, aussi petits soient-ils », affirme un cadre de Sinopec. S’il tient ses promesses et si les autres champs en exploitation dans le pays maintiennent leur niveau de production, Koula (25 000 b/j à terme), qui a nécessité un investissement de plus de 250 millions de dollars sur cinq ans (plus de 190 millions d’euros), permettrait au Gabon d’accroître l’ensemble de sa production quotidienne d’environ 10 %.
Shell et Total très actifs
À quelques kilomètres de ce nouveau champ, un autre « petit gisement, à Damier, de 3 millions à 4 millions de barils, pourrait également entrer en production dans les cinq prochaines années », affirme Francis Shaw, directeur technique de Shell Gabon. Le groupe anglo-néerlandais, deuxième opérateur du pays avec une production journalière de 65 000 b/j, entend ainsi redevenir le numéro un, devant Total Gabon (environ 71 000 b/j).
Le Gabon entend donc optimiser la production des gisements déjà mis au jour. Et si la dernière découverte majeure dans le pays a été réalisée en terre par Shell Gabon en 1985 (le champ de Rabi-Kounga, avec plus de 1,2 milliard de barils), les autorités espèrent que la prochaine se fera en eau profonde et très profonde. « D’ici à fin 2011, il y aura certainement les premiers forages sur les blocs BC9 et BCD10 de Shell et sur le permis Diaba de Total », avance un ingénieur de la direction générale des Hydrocarbures. Les deux opérateurs ont annoncé d’importants investissements pour accroître les réserves du pays. En juillet, le français Total a ainsi indiqué qu’il allait débourser 1,4 milliard d’euros pour pérenniser ses installations et accéder à de nouvelles ressources sur le champ d’Anguille (offshore), situé au large de Port-Gentil.
Cap sur l’offshore
Par ailleurs, un appel d’offres a été lancé début 2010 pour la vente de 42 blocs du domaine pétrolier sous-marin, avant d’être finalement annulé au profit d’un marché de gré à gré. Au gouvernement, on parle de « changement de stratégie ». Selon Julien Nkoghé Békalé, « l’exploration en mer profonde et très profonde demande de grands investissements, avec un niveau de risque élevé. Nous avons souhaité discuter directement avec les sociétés intéressées pour qu’elles apprécient librement ces risques avant de s’engager ».
Mais certains observateurs du secteur affirment que le Gabon a dû faire machine arrière parce que les opérateurs seraient plutôt attirés par les gisements déjà découverts, notamment au large de la côte ouest-africaine. Cette analyse est contestée par un géophysicien gabonais pour qui « la géologie de l’offshore profond et très profond du Gabon présente les mêmes caractéristiques que celle de la Guinée équatoriale. Conséquence : les chances d’une importante découverte sont grandes ». Le pays de Teodoro Obiang Nguema, avec près de 350 000 barils produits quotidiennement, est en effet devenu le quatrième producteur d’or noir en Afrique subsaharienne, devant le Gabon et derrière le Nigeria, l’Angola et le Soudan, grâce à ses gisements sous-marins.
De sources officielles, outre Total et Shell, plusieurs autres majors, parmi lesquelles Petrobras, Statoil, Exxon Mobil et Chevron, ont également manifesté leur intérêt pour les blocs offshore gabonais. D’ailleurs, « trois blocs en mer profonde baptisés “Gryphon” ont déjà trouvé preneurs et le contrat d’exploration et de partage de production ne devrait pas tarder à être signé », affirme Alilat Antseleve-Oyima, responsable de la direction des hydrocarbures, qui ne souhaite toutefois pas communiquer les noms des acquéreurs.
Autre argument avancé pour expliquer le « changement de stratégie » dans le processus de cession des blocs d’exploration sous-marins : le code minier en cours d’élaboration. « Nous ne pouvons pas faire appel aux investisseurs sans leur fournir les contours exacts du cadre dans lequel ils vont exercer leurs activités », explique le ministre Julien Nkoghé Békalé. Le code minier actuellement en vigueur a été élaboré en 1962 et ne régit que les activités d’exploration et de production en onshore et en offshore conventionnel. Le nouveau devrait notamment prendre en compte l’offshore non conventionnel.
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