Les groupes africains en grande forme
Avec le retour d’une forte croissance sur le continent, le contexte est plus que favorable pour l’essor des entreprises, malgré l’incertitude ivoirienne. Secteur par secteur, le point sur les tendances et les opérations qui vont marquer l’actualité.
Publié le 11 janvier 2011 Lecture : 8 minutes.
La crise ? Quelle crise ? Après un solide rebond en 2010 de 5 % en moyenne, 2011 se présente à son tour sous les meilleurs auspices pour l’économie du continent. « Les perspectives sont prometteuses… en l’absence de nouveau choc mondial », résume le FMI.
Au sud du Sahara, les pronostics tablent sur une croissance de 5,5 % cette année. Contre 4,2 % au plan mondial. « Maintenant que le commerce international s’est pour l’essentiel redressé et que la croissance vigoureuse des pays émergents pousse à la hausse les prix des produits de base, un grand nombre de pays d’Afrique subsaharienne s’en sortent bien », analysait le 30 décembre Olivier Blanchard, chef économiste du FMI. Ce qui n’empêche pas des performances très contrastées. Le Congo-Brazzaville, avec une prévision de croissance de 8,7 %, et le Nigeria (7,4 %) ont le vent en poupe, tandis que le Cameroun (2,9 %) et la Guinée équatoriale (2,1 %) sont davantage à la peine. Seule inconnue majeure : l’impact de la crise politique ivoirienne sur l’activité de la locomotive économique ouest-africaine.
Tendance au rebond identique en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, avec une croissance moyenne de 5,1 % en 2011. Les pays du Maghreb se situeront un cran en dessous, avec un PIB en hausse de 4 % en Algérie, de 4,3 % au Maroc et de 4,8 %, normalement, en Tunisie.
Toutefois, le manque d’infrastructures de transport et d’énergie pénalise toujours les entreprises. Depuis trois mois, les prix de denrées alimentaires de base (soja, blé, maïs, oléagineux, sucre) ont flambé, dépassant les sommets atteints en 2008, au risque d’alimenter des mouvements sociaux. Enfin, souligne le FMI, « l’année 2011 pourrait être particulièrement difficile en Afrique subsaharienne puisque des élections nationales pourraient avoir lieu dans dix-sept pays ».
Certes, le climat des affaires reste souvent difficile pour les groupes industriels, commerciaux ou financiers, à capitaux locaux et étrangers, ainsi que pour les PME africaines. Mais ces entreprises, portées par une croissance soutenue pour les quelques années à venir, sont le véritable carburant de l’économie africaine.
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Hydrocarbures : le pétrole coule à flots
L’année 2011 connaîtra la montée en puissance de la production du champ Jubilee (250 000 barils par jour), au large du Ghana, opéré par le britannique Tullow Oil et l’américain Kosmos Energy. Les projets se poursuivront dans le golfe de Guinée. Le nigérian Oando a ainsi clairement annoncé viser de nouveaux investissements dans l’exploration et la production. Dans les eaux ivoiriennes, Total devrait démarrer l’exploration du bloc CI 100.
La major française extraira aussi les premiers barils du champ Pazflor (220 000 barils par jour), au large de l’Angola, au second semestre, et annoncera peut-être des investissements en RD Congo, non loin du lac Albert. Sur l’autre rive, en Ouganda, les tractations entre Tullow Oil, Total, le chinois Cnooc et l’italien ENI pour l’exploitation des réserves du lac pourraient trouver une issue.
Plus au nord, les regards se tournent vers Alger : Noureddine Cherouati, nouveau patron de Sonatrach, doit réorganiser le groupe, mais aussi se pencher sur l’achat de parts de l’anglo-néerlandais BP (champs In Amenas et In Salah), une opération à plusieurs milliards d’euros.
Mines : diversifications tous azimuts
Si 2010 a été l’année du fer, avec 15 milliards d’euros d’annonces d’investissements dans les gisements ouest-africains prometteurs, 2011 pourrait en revanche être une année… en or. Car la hausse considérable des cours du métal précieux (1 379 dollars l’once le 4 janvier) a relancé les projets africains de compagnies aurifères comme Randgold, Gold Fields, AngloGold Ashanti ou Somilo, notamment au Burkina Faso, au Mali et en Côte d’Ivoire, des pays peu présents sur la carte minière.
En 2011, les multinationales chercheront aussi à diversifier leurs activités. Avec la volatilité croissante des cours, elles veulent se doter d’un panier varié de matières premières pour stabiliser leurs résultats. Après l’échec de son OPA sur le canadien Potash fin 2010, BHP Billiton cherchera d’autres cibles, notamment dans le diamant africain, pour moins dépendre du fer et de l’aluminium. Les compagnies très présentes en Afrique du Sud, qui ont souffert des grèves et des coupures électriques, cherchent à se désengager du pays, à l’instar d’Anglo Platinum qui a lancé un plan d’expansion ambitieux dans le reste de l’Afrique australe.
Banques : année de consolidation
Les principaux groupes bancaires africains poursuivront leur développement régional en 2011, principalement à travers des acquisitions. L’objectif d’atteindre un capital social minimum de 10 milliards de F CFA en 2012 (15,2 millions d’euros), imposé par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et la Banque des États de l’Afrique centrale, favorisera un mouvement de concentration. Au Togo, quatre banques publiques (UTB, BIA Togo, BTD et BTCI) intégreront cette année le giron d’un groupe sous-régional ou étranger.
En Afrique centrale, le camerounais Afriland First Bank et le gabonais BGFI Bank, qui adoptera une nouvelle identité visuelle en 2011, poursuivront leur expansion. Le premier s’implantera au Niger et au Tchad dès février, le deuxième en Côte d’Ivoire. De son côté, Ecobank, présent dans une trentaine de pays africains, attend les agréments pour s’implanter à Londres et à New York. Au Maghreb, Attijariwafa Bank et BMCE Bank consolideront leurs positions subsahariennes, tandis qu’en Tunisie, la volonté politique de faire émerger un acteur de taille régionale se concrétisera par la fusion de la Société tunisienne de banque et de la Banque de l’habitat.
Télécoms : toujours des opportunités
Après avoir dépassé les 500 millions d’utilisateurs fin 2010, les opérateurs télécoms vont rester cette année parmi les locomotives économiques du continent. Mais leur rentabilité devrait souffrir d’une compétition accrue, notamment sous l’impulsion de l’indien Bharti, qui continuera le déploiement de sa stratégie low cost. Une concurrence qui poussera les opérateurs à développer d’autres services, comme les transferts d’argent (18 milliards d’euros attendus en 2012), pour consolider leurs parts de marché. Afin de préserver leur rentabilité, des acteurs chercheront aussi à réduire leurs coûts en externalisant leurs réseaux, à l’image de MTN au Ghana fin décembre, ou en réduisant leurs effectifs, comme Tunisie Télécom.
Mais l’Afrique reste malgré tout un marché porteur. À preuve, la stratégie de France Télécom, à la recherche de nouvelles opportunités : le groupe français serait très intéressé par le Bénin et la RD Congo. Autre affaire qui pourrait trouver son épilogue en 2011 : l’arrivée du russe Vimpelcom en Algérie en lieu et place d’Orascom, même si Alger maintient son projet de nationalisation de Djezzy.
Agro-business : les acteurs locaux se musclent
Le géant de la bière Castel, qui vient d’acquérir 45 % du capital du groupe Somdiaa, illustre le renforcement des multinationales de l’agroalimentaire sur le continent, face aux développements démographique, économique et de la classe moyenne. Nestlé, Pernod Ricard, etc., concrétiseront ainsi leurs nouvelles stratégies annoncées en 2010. Au sud du Sahara, Afrique du Sud mise à part (SAB Miller, après une OPA avortée sur Castel en 2010, misera peut-être sur un autre cheval en 2011), le défi consistera pour les autorités à soutenir les PME ambitieuses. Exemples parmi d’autres : Sosagrin (moutarde) ou NMA (farine et pâtes) au Sénégal, présentes au Salon international de l’agroalimentaire à Paris, ont des velléités d’expansion.
Au Maghreb, le géant tunisien Poulina a quant à lui exprimé ses ambitions à l’international (en Chine notamment), quand l’algérien Cevital lorgne l’Europe… Le secteur agricole va continuer d’attirer les investissements, dans un contexte de cours mondiaux des matières premières volatils.
BTP-infrastructures : les chantiers maghrébins reprennent
Le secteur redressera la tête en 2011, notamment grâce à la reprise dans les pays du Golfe. Les groupes égyptiens, comme Orascom Construction Industries et Arab Contractors, actifs au Moyen-Orient, devraient en profiter. Des projets immobiliers en suspens, comme Casablanca Marina, Amwaj à Rabat ou Tunis Sport City, dans lesquels des investisseurs émiratis sont partenaires, pourraient enfin être terminés.
Il faut s’attendre à de nouveaux appels d’offres dans le rail et les autoroutes au Maghreb, des projets rentables soutenus par une volonté politique. Sur ces marchés, des consortiums menés par les européens Bouygues, Vinci, Julius Berger et Alstom, alliés à des entreprises locales comme ETRHB Haddad en Algérie ou EGMS en Tunisie, tireront leur épingle du jeu.
En Afrique subsaharienne, la situation est moins favorable, en raison des difficultés de financement, même si le Nigeria doit ouvrir au privé ses marchés de l’eau et de l’électricité. Ailleurs, les chinois comme CRCC continueront de se tailler la part du lion dans des échanges d’infrastructures contre des matières premières.
Consommation : la distribution étend sa toile
La montée en puissance des hypermarchés va se poursuivre en 2011. Les acteurs de la distribution en sont persuadés et planifient des ouvertures de points de vente du nord au sud du continent. Le secteur sera particulièrement dynamique au Maroc. Après le rachat des huit implantations marocaines du grossiste allemand Metro fin 2010, le groupe Label’Vie en transformera quatre en hypermarchés Carrefour cette année. Les marques occidentales entendent profiter elles aussi du pouvoir d’achat des ménages marocains : la Fnac, H&M et Gifi ont annoncé leur venue.
L’entreprise marocaine Kitea, spécialiste de l’ameublement, poursuivra quant à elle son développement en RD Congo avec l’ouverture d’un magasin à Kinshasa. Preuve que l’engouement touche aussi la zone subsaharienne, où les groupes sud-africains restent des acteurs majeurs. Le Mozambique profitera ainsi de l’arrivée de l’enseigne Pick’n’Pay, dont l’inauguration du premier point de vente est prévue en mars à Maputo ; quatre magasins sont également annoncés en Zambie.
Aérien : retour des transporteurs régionaux
L’année 2011 confirmera le retour des acteurs régionaux dans le ciel africain. Après Asky un an plus tôt, Sénégal Airlines, créé fin 2009, doit enfin prendre son envol. Ses deux premiers Airbus A320 doivent lui être livrés le 10 janvier, après un passage dans les ateliers d’EAS Industries, en France, pour être repeints aux couleurs de la compagnie. Le vol inaugural est prévu pour le 25 janvier, avec un réseau initial de cinq escales : Abidjan, Conakry, Banjul, Bamako et Nouakchott. En 2011, deux autres projets pourraient voir le jour : Camair-Co au Cameroun (lancement prévu le 28 mars) et Air Cemac (date de démarrage non précisée). Même Air Zimbabwe s’y met, avec l’achat de quatre appareils, dont deux longs-courriers, pour 375 millions d’euros.
Toutefois, le secteur aérien africain devrait connaître une année 2011 moins bonne que 2010, selon les dernières prévisions de l’Association internationale de l’aviation civile (Iata). Après avoir dégagé un profit net de plus de 75 millions d’euros l’an dernier, le secteur ne prévoit qu’un équilibre financier pour l’ensemble des transporteurs africains en 2011.
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