Angola, « pays riche avec un peuple pauvre »
Les conditions de vie pour les Angolais ne s’améliorent pas. La cherté de la vie est à un niveau tel que même les bons salaires ne permettent pas de vivre décemment.
Tous les matins, Jorge da Cruz, chemise immaculée, chaussures cirées, parcourt les sentiers encombrés d’ordures du bidonville où il vit, dans la banlieue de la capitale angolaise, Luanda, pour rejoindre l’entreprise pétrolière étrangère qui l’emploie.
Jorge, 24 ans, gagne 850 dollars par mois, près de 10 fois le salaire minimum angolais. Malgré ce revenu et comme 86% de la population urbaine angolaise, il vit dans des conditions précaires.
« Je dépense 300 dollars par mois pour suivre des cours du soir à l’université et le reste va à ma famille pour la nourriture et les autres frais. On vit à dix dans une maison de trois pièces », raconte-t-il.
L’Angola rivalise avec le Nigeria pour la place de premier producteur de brut du continent. Mais le pays qui sort tout juste d’une longue guerre destructrice (1975-2002), n’a quasiment pas d’industries et importe presque tous ses biens de consommation.
Flambée des prix
La conjonction d’un afflux de devises étrangères, d’un boom économique et des délais d’importation via un port saturé ont fait flamber les prix.
La majorité de la population disposant de moins de deux dollars par jour, survit dans le plus strict dénuement grâce à l’économie informelle, en pêchant ou en cultivant des tomates qu’elle revend aux autres déshérités sur les marchés.
Luanda est aussi la ville la plus chère au monde pour les expatriés, selon une enquête de la société Mercer publiée l’an dernier. Nadine et son mari, expatriés libanais, paient chaque mois un loyer de 10.000 dollars pour leur maison du quartier huppé d’Alvalade et dépensent 5.000 dollars pour nourrir leur famille de quatre personnes.
« Mais les prix sont les mêmes pour tout le monde ici! La vie n’est pas seulement chère pour les expatriés », s’exclame Sizaltina Cutaia, de la fondation privée Open Society qui œuvre pour promouvoir la gouvernance démocratique, les droits humains et les réformes économiques et sociales.
Malgré son salaire de 4.000 dollars, cette Angolaise de 30 ans vit dans une maison sans eau courante ni électricité, à 20 km de Luanda.
Le clientélisme roi
Chaque jour, elle doit se lever avant l’aube, affronter des heures d’embouteillage en candongueiros, les taxis collectifs, pour rejoindre son bureau du centre ville. Elle paie un voisin pour pouvoir se brancher sur son générateur et achète à un porteur 300 litres d’eau par semaine pour se laver, cuisiner et nettoyer sa maison.
Sizaltina n’a pas de loyer car elle vit dans sa famille. Mais si elle voulait s’offrir un appartement plus confortable et plus proche du centre, elle devrait y consacrer presque tout son salaire. Les propriétaires en outre demandent souvent jusqu’à 6 mois de loyers d’avance.
« On ne peut pas considérer qu’il existe une classe moyenne autonome en Angola », estime le journaliste d’investigation Rafael Marques. « 4.000 dollars par mois ne sont pas suffisants pour avoir une bonne qualité de vie. Sans clientélisme, on ne peut pas avoir accès à un crédit bancaire, à un logement et à des soins médicaux de qualité notamment », dit-il.
« Plus la vie est chère, plus cela renforce la corruption, confirme Sizaltina Cutaia. Les gens ne peuvent pas vivre sur la base de leur salaire. Alors certains professeurs reçoivent de l’argent en échange de la réussite à un examen, par exemple ».
« C’est vrai que l’Angola est un pays riche », observe Jorge da Cruz. « Mais avec un peuple pauvre ! »
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