France : pourquoi des vidéos choc relancent le débat sur l’abattage rituel
Des images insoutenables filmées dans des abattoirs français font scandale depuis quelques mois. Deux responsables interrogés par une commission d’enquête jeudi accusent l’abattage selon des traditions musulmanes et juives.
Des vidéos diffusées depuis octobre 2015 par l’association de défense des animaux L214, montrant la souffrance endurée par des animaux dans trois abattoirs différents, ont remis sur le tapis la question épineuse de l’abattage rituel. En réponse à l’indignation provoquée par ces images, une commission d’enquête parlementaire sur « les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français » a été créée, et la première audition a eu lieu le 27 avril.
Le 28 avril, le maire d’Alès (Gard), dont l’abattoir municipal est impliqué, s’est défaussé sur l’abattage rituel sans étourdissement, alors que la vidéo de l’association épingle le problème plus global du non respect des normes d’abattage et un système productif dénué d’humanité. Depuis plusieurs années, l’abattage rituel revient souvent sur le devant de la scène. En 2011, un collectif d’association a lancé une campagne d’affichage dans une cinquantaine de villes en France, avec comme slogan «cet animal va être égorgé à vif sans étourdissement et dans de grandes souffrances. C’est ça, un abattage rituel». En 2013, un rapport sénatorial en a rajouté une couche en préconisant l’étiquetage des viandes abattues sans étourdissement. Un rapport qui été jugé « stigmatisant » par des responsables religieux juifs et musulmans considérant qu’il accréditerait le préjugé que les deux religions sont cruelles envers les animaux.
Qu’est-ce qui est à l’origine de ce débat ?
Ces controverses autour de l’abattage rituel font suite aux images insoutenables filmées en caméras cachées et diffusées en octobre 2015 et en février et mars 2016 dans trois abattoirs français (à Alès, à Vigan et à Mauléon-Licharre) par l’association de défense des animaux L214. On y voit des animaux maltraités avant leur mise à mort, certains égorgés alors qu’ils sont encore conscients.
Pourquoi l’abattage rituel est-il remis en cause ?
D’après le maire d’Alès, qui s’est exprimé jeudi devant la commission d’enquête, la vidéo de l’association L214 montrerait uniquement des animaux abattus selon des rituels. « C’est uniquement sur ce ressort-là qu’on a des problèmes », a-t-il déclaré, proposant « une concertation avec le ministère de l’Agriculture et les autorités religieuses pour réformer l’abattage rituel ».
Jack Pagès, directeur de l’abattoir d’Alès, affirme quant à lui que la personne filmée en train de pratiquer un « cisaillement au lieu de faire des coupes franches » était un « sacrificateur » remplaçant. Les sacrificateurs sont désignés de manière indépendante des abattoirs par les mosquées, sans « aucune formation », a-t-il assuré.
Que dit la loi ?
En France, l’abattage rituel, qu’il soit halal ou casher, ne peut se faire que dans des « abattoirs agréées bénéficiant expressément d’une autorisation à déroger à l’obligation d’étourdissement », explique le ministère de l’Agriculture. La réglementation française et européenne concernant l’abattage prévoient en effet cette exception pour garantir le libre exercice du culte.
Quant aux sacrificateurs, ils doivent être titulaires d’un certificat de compétence protection animale (CCPA) et être habilités par des organismes religieux agréés par le ministre de l’Agriculture, soit la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée de Lyon et la Mosquée d’Evry pour l’abattage halal et le Grand Rabbinat de France pour l’abattage casher.
Quelles réactions en France ?
Plusieurs voix politiques et associatives s’élèvent en France contre l’abattage rituel, au sein par exemple du Front national ou de la Fondation Brigitte Bardot.
Suite au scandale de ces vidéos, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, avait réagi en annonçant des mesures en faveur du bien-être animal, sans pour autant mettre explicitement en cause l’abattage rituel. Dans le cadre de sa nouvelle stratégie globale pour la période 2016-2020, le ministre de l’Agriculture a néanmoins précisé vouloir « poursuivre le dialogue concernant l’abattage rituel, en particulier sur les questions de réversibilité de l’étourdissement ou de ‘soulagement’ des animaux après sacrifice. »
Qu’en est-il dans le reste de l’Europe ?
Certains pays européens comme le Danemark, la Pologne, le Liechtenstein, l’Islande, la Norvège, la Suède et la Suisse, ont décidé d’interdire l’abattage sans étourdissement, malgré l’indignation des communautés religieuses. À partir du 1er janvier 2017, les abattoirs halal et casher aux Pays-Bas seront également obligés d’étourdir les animaux n’ayant pas perdu connaissance dans les quarante secondes suivant l’égorgement.
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