Lesieur Cristal change de mains

Lesieur Cristal, numéro un marocain de l’huile de table, sort du giron du holding royal SNI pour intégrer Sofiprotéol. Sa place dans la stratégie du groupe français reste à préciser… et le renouveau du titre en Bourse à confirmer.

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 19 juillet 2011 Lecture : 4 minutes.

Mais il récupère aussi une société qui sort d’une année placée sous le signe de la dégradation de ses performances économiques et financières. Sécheresse exceptionnelle en Russie, inondations en Australie et en Indonésie : les prix des principaux oléagineux (colza, soja, palmier à huile) sont partis en flèche depuis le milieu de 2010. Affecté dans le même temps par la flambée des prix du pétrole, dont il est un gros consommateur, Lesieur Cristal a vu son résultat d’exploitation chuter de 32,1 % en 2010, pour un chiffre d’affaires en baisse de 13,6 %, à 3,45 milliards de dirhams (307 millions d’euros). À la lecture de ces chiffres, il n’est guère étonnant que les 1,3 milliard de dirhams payés par Sofiprotéol au holding royal n’offrent aucune prime par rapport au dernier cours de Bourse…

Pour le repreneur, les enjeux sont nombreux. Cet expert de la valorisation des oléagineux, qui pèse 5,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 6 400 personnes, trouve en effet une société à la peine, confrontée à la volatilité permanente du prix des matières premières agricoles et incapable de trouver une réponse à l’un des enjeux centraux du secteur aujourd’hui : la maîtrise de l’amont. Lesieur Cristal est un huilier très dépendant des importations de colza et de soja, dont le Maroc reste un petit producteur et dont les cours se sont envolés depuis un an de respectivement 33 % et 32 %.

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L’intégration dans le groupe Sofiprotéol va rompre cet isolement sur l’échiquier mondial de l’agrobusiness et donner à l’entreprise marocaine une meilleure capacité à maîtriser et à gérer les fluctuations incessantes des cours internationaux. La forte expérience de Sofiprotéol dans le marketing de l’huile de table pourrait aussi être une solution à l’un des autres soucis de Lesieur Cristal aujourd’hui : l’impossibilité de facto de répercuter la hausse des prix des oléagineux dans le prix des huiles commercialisées. L’innovation marketing est généralement un bon moyen de faire passer ces augmentations auprès de la population…

Tête de pont ?

Mais avec cet acteur très ancré dans le tissu agricole français, un risque existe aussi : celui de transformer Lesieur Cristal en simple outil de distribution, sans réelle perspective industrielle. L’annonce de Sofiprotéol de vouloir « contribuer au déploiement des cultures oléagineuses dans le pays » est-elle sincère ? Détenu par les organisations agricoles françaises et donc à leur service, le groupe voit surtout l’internationalisation comme un moyen « d’élargir les débouchés ». S’il a déjà mis le cap sur l’est de l’Europe, c’est pour mieux maîtriser ses achats, puisqu’une très grosse partie de la production d’oléagineux européens provient de cette zone. S’il s’intéresse aujourd’hui au Maghreb et, demain, à l’Afrique subsaharienne, c’est pour s’ouvrir de nouveaux marchés pour vendre sa production. Les Maghrébins, notamment, sont de très gros consommateurs d’huile.

De même, Sofiprotéol fera-t-il de Lesieur Cristal sa tête de pont en Afrique ? La montée en puissance de nombreux groupes marocains sur le continent pourrait être un réel atout pour le groupe français, qui affiche clairement ses ambitions, de Tunis à Dakar, mais qui n’y a pour l’instant guère été heureux. Son expérience tunisienne, où il est d’ailleurs associé à Lesieur Cristal dans Cristal Tunisie, n’est pas un succès. Il a également échoué, il y a quelques années, à reprendre le sénégalais Sonacos (aujourd’hui Suneor).

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De la réponse à ces questions dépend le renouveau du titre en Bourse. L’huilier, jusqu’ici largement boudé par les investisseurs, pourrait devenir d’un coup l’une des valeurs les plus attractives du marché. SNI devant céder ses 35 % du capital restants sur le marché, les actions de Lesieur Cristal effectivement échangeables sur la place de Casablanca (le flottant) passeront d’environ 600 millions à 1,7 milliard de dirhams.

Mais l’entreprise devra aussi rompre avec ses mauvaises habitudes. « C’est une société opaque, fustige un analyste. Les rapports annuels sont pauvres en information, ils n’organisent pas de réunions avec les analystes. » Malgré l’importance de l’opération pour la filière agricole et pour la Bourse marocaine, les modalités de sortie du holding royal ont ainsi été tenues secrètes jusqu’au terme du processus. 

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