La corruption augmente au Maghreb et au Moyen-Orient mais la Tunisie est source d’espoir
50 millions de personnes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont dû payer des pots-de-vin en échanges de services publics l’année dernière, estime l’organisation anti-corruption Transparency international, qui a publié mardi son rapport sur la corruption dans la région.
Une étude menée dans neuf pays et territoires entre septembre 2014 et novembre 2015 pointe du doigt une corruption toujours croissante, avec des résultats particulièrement négatifs pour le Liban, plongé dans une crise politique, et le Yémen, déchiré par un conflit. 61% des personnes interrogées au Yémen, en Égypte, au Soudan, au Maroc, au Liban, en Algérie, en Tunisie, en Jordanie et dans les territoires palestiniens, considèrent que la corruption a augmenté durant l’année écoulée, les données variant grandement d’un pays à un autre.
« C’est comme si le Printemps arabe n’avait jamais eu lieu. Les dirigeants qui échouent en terme de transparence, qui échouent dans la promotion de la liberté d’expression et qui échouent à mettre fin à la corruption échouent lorsqu’il s’agit d’apporter un peu de dignité dans le quotidien des personnes vivant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les droits de ces personnes sont sérieusement affectés », s’est inquiété José Ugaz, président de l’organisation Transparency international.
Les services publics majoritairement concernés
D’après cette étude, 38% des Marocains ayant bénéficié des services de santé publics ont été amenés à verser un pot-de-vin. Transparency international prend l’exemple de Kamal, dont la fille partiellement aveugle avait besoin d’urgence d’un scan du cerveau. Arrivé à la clinique, le père s’est retrouvé face à un choix : payer une somme faramineuse à l’infirmier ou rentrer chez lui, sans soins pour sa fille.
La police, les tribunaux, et les services relatifs à l’obtention d’un document subissent aussi une mauvaise image dans la plupart des pays de la région. Mais c’est au sein même du gouvernement que la corruption serait la plus présente, avec pour principaux bénéficiaires les agents du fisc, les membres du Parlement et les fonctionnaires de l’État.
Face à ce fléau, les opinions publiques ne jugent nulle part positivement leur gouvernement en matière de lutte contre la corruption, les populations qualifiant de mauvaise l’action des autorités. « Le manque de satisfaction vis-à-vis de dirigeants et régimes corrompus était un catalyseur clé du désir de changement dans la région, en particulier lors des manifestations du Printemps arabe. Cinq ans plus tard, l’étude montre que les gouvernements n’ont fait que peu pour mettre en oeuvre les lois contre la corruption », relève Transparency International.
Note d’espoir en Tunisie
La plupart des victimes de corruption ne dénoncent pas de tels actes, par peur de représailles ou par conviction que cela ne servirait à rien. Mais la Tunisie, seul pays du Printemps arabe à ne pas avoir basculé dans le chaos ou la dictature, présente néanmoins « un vraiment bon résultat » quant aux réactions de la population. « Beaucoup de gens pensent pouvoir faire quelque chose contre la corruption » à leur niveau, a indiqué à l’AFP Coralie Pring, auteure du rapport, ajoutant que 71% des sondés ont estimé que « des gens ordinaires peuvent faire une différence ». La majorité d’entre eux considère néanmoins que « l’action du gouvernement est mauvaise » et que la corruption continue d’augmenter dans le pays.
L’ONG s’inquiète en particulier des résultats du Liban, plongé dans une profonde crise politique, privé de président depuis deux ans et de législatives depuis 2009. « (…) le public apparaît très, très critique des efforts du gouvernement pour lutter contre la corruption et la perception du niveau de corruption dans le secteur public est très élevée », a relevé Coralie Pring. « C’est très inquiétant, les résultats sont similaires à ceux du Yémen qui a rapidement glissé dans une guerre civile ».
Les limites de cet indicateur
Cette étude se base cependant principalement sur les perceptions subjectives de moins de 11 000 personnes à travers les neuf pays concernés. Les résultats posent également la question de la dimension du phénomène prise en compte et de son évolution dans le temps, les personnes interrogées n’étant souvent pas les mêmes d’une année à l’autre.
En avril, Adam Elhiraika, le responsable de la division spécialisée dans les politiques macroéconomiques de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), reprochait en effet aux indicateurs actuels de ne pas intégrer « les problèmes de gouvernance qui sous-tendent la corruption, ils ignorent la dimension internationale du phénomène et ils n’aident pas les pays africains à en mesurer l’évolution dans le temps puisque, dans le cas de certains indices, les échantillons de sondés changent au fil des ans. »
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