Quand Periscope s’immisce dans la politique africaine, pour le meilleur comme pour le pire
L’application de streaming vidéo qui a explosé en France connaît un timide essor sur le continent. Si les plus jeunes en sont les premiers utilisateurs, les communicants politiques commencent à s’intéresser de près à Periscope.
Cette application permet de diffuser en temps réel des vidéos depuis smartphone. Racheté par Twitter début 2015, le réseau social s’est notamment fait connaître du grand public après la sortie du footballeur Serge Aurier, qui avait insulté son entraîneur de « fiotte » lors d’une session Periscope.
Malgré ces frasques, certains hommes politiques africains se sont emparés de l’application qui revendique 10 millions d’utilisateurs dans le monde sans détailler ce chiffre par pays. Zoom sur la Guinée et le Gabon, où le réseau social fait des émules chez les politiques.
Le gouvernement guinéen, pionnier
Pionner en Afrique francophone, le gouvernement guinéen s’essaie depuis mi-mars à Periscope. Objectif : diffuser en direct chaque compte-rendu de Conseil des ministres, mais surtout instaurer une communication plus directe avec les administrés. « De nombreux Guinéens sont actifs sur les réseaux sociaux, Periscope nous permet donc d’atteindre un public plus large », explique à Jeune Afrique Souleymane Camara, coordinateur de la cellule de communication du gouvernement guinéen.
Si les essais sont encore timides – un seul compte-rendu gouvernemental a pour l’heure été diffusé -, Conakry aimerait aussi utiliser l’application pour médiatiser d’autres événements. À l’image de l’interview du ministre de la Culture et des Sports, Siaka Barry, diffusée en direct sur Periscope mardi 3 mai.
Peu suivie, l’interview du ministre n’a pas découragé l’équipe de communication. Au contraire : elle envisage désormais de faire intervenir sur Periscope le chef du gouvernement guinéen, Mamady Youla. La proposition, sur la table de la primature, n’a pas encore été tranchée.
Une application à double tranchant
Il faut dire que les dirigeants politiques y réfléchissent à deux fois avant d’utiliser Periscope, où tout spectateur peut en direct donner son avis sur le contenu d’une vidéo. Conséquence, à moins de limiter la possibilité de commenter aux utilisateurs suivis par le diffuseur, un flot de commentaires injurieux peut rapidement provoquer un effet désastreux.
En France, François Hollande en a fait l’amère expérience début mars lors d’une rencontre avec une entreprise. Quelques minutes seulement après le début de la diffusion de l’entrevue retransmise sur Periscope, le président français était copieusement insulté et raillé.
Quelques loupés au Gabon
Un loupé qu’ont dans une moindre mesure expérimenté des opposants au chef de l’État gabonais. C’est le cas des membres du nouveau parti politique d’opposition Rassemblement héritage et modernité (RHM), dont les partisans diffusent chaque conférence de presse sur Periscope. Si certains internautes ont distribué des cœurs (l’un des moyen possible d’expression sur Periscope) lors de l’allocution des représentants du nouveau parti, d’autres n’ont pas manqué de railler les interventions.
Même chose lors de la présentation, mercredi 4 mai à Libreville, du programme de Jean Ping, candidat à l’élection présidentielle gabonaise. Alors que certains spectateurs manifestaient leur soutien à l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, d’autres affichaient une claire hostilité, souvent ponctuée de termes moqueurs et injurieux. Un climat délétère, auquel l’approche de l’élection présidentielle n’est sûrement pas étrangère.
[Nous avons choisi de ne pas montrer les messages injurieux.]
Malgré un résultat en demi-teinte, l’équipe de communication de Jean Ping n’envisage pas d’arrêter l’expérience. « C’est de bonne guerre et nous retenons surtout les commentaires positifs », souligne un membre de l’équipe du candidat gabonais.
« C’est certain que des effets négatifs sont à craindre », explique depuis Conakry Souleymane Camara, qui rejette comme l’équipe de Jean Ping toute modération des commentaires. Pas question d’entraver l’exercice de ce qu’ils qualifient de « média citoyen ».
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