RD Congo : le nouveau combat de Beltchika, l’homme qui voulait succéder à Tshisekedi

François-Xavier Beltchika et Étienne Tshisekedi se sont revus fin avril à Bruxelles. Une façon pour les deux frères-ennemis de tourner la page de la crise qui les avait opposés en 2009, le second soupçonnant le premier de vouloir prendre sa place à la tête de l’UDPS.

François-Xavier Beltchika, président du Congrès des démocrates pour le progrès social (CDPS) et ancien proche de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, le 20 avril 2016 à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

François-Xavier Beltchika, président du Congrès des démocrates pour le progrès social (CDPS) et ancien proche de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, le 20 avril 2016 à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 4 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

C’est l’histoire du premier congrès du parti emblématique de l’opposition en RD Congo. Une histoire de luttes fratricides pour la succession d’Étienne Tshisekedi à la tête de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), alors que l’intéressé n’avait pas encore décidé de prendre sa retraite. C’est l’histoire, enfin, de François-Xavier Beltchika, le complice du líder maximo devenu paria pour avoir tenté de lui succéder.

Je n’ai jamais voulu prendre la place de Tshisekedi.

Sept ans après les faits, cet ancien cadre de l’UDPS n’a pas complètement tourné la page. La pilule de sa mésaventure n’est toujours pas passée. Aujourd’hui quelques peu affaibli par l’âge (76 ans) mais toujours aussi pugnace dans ses propos, Beltchika estime qu’à l’époque il n’avait pas été compris. « Je n’ai jamais voulu prendre la place de Tshisekedi, mais je voulais plutôt que le parti marche convenablement », nuance-t-il d’une voix rauque.

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Nous sommes en 2009. L’UDPS, jadis fer de lance de l’opposition, est en perte de vitesse. Les élections de 2006 qu’elle a boycottées ont fait émerger d’autres partis et leaders politiques, à l’instar du Mouvement de libération du Congo (MLC) et de son chef Jean-Pierre Bemba, arrivé deuxième lors du scrutin présidentiel. Malade, Tshisekedi, lui, séjourne à Bruxelles et n’a plus donné depuis trois ans ni signe de vie ni « mots d’ordre » à ses lieutenants restés comme orphelins à Kinshasa.

Le volte-face de Tshisekedi et la scission de l’UDPS

« Si personne ne prenait le courage d’agir, le parti allait disparaître », se souvient un ancien membre du collège des fondateurs de cette formation politique créée dans la clandestinité début des années 1980 pendant le règne autoritaire de Mobutu Sese Seko. « Il fallait sauver le navire UDPS », ajoute-t-il. Beltchika saisit alors la balle au bond. Et se met à la manœuvre pour tenter de combler le vide à la tête de l’UDPS. Profitant de son aura au sein du parti, grâce notamment à son statut de président de la commission de réforme des statuts de l’UDPS (2006-2007), le natif de Kabinda (centre), entouré d’autres « compagnons de lutte », parvient à convaincre Tshisekedi de l’opportunité d’organiser le tout premier congrès de l’histoire du parti.

Je ne voulais pas qu’on me considère comme celui qui fait le jeu du pouvoir

Mais très vite, c’est la volte-face : Tshisekedi, comme souvent, revient sur sa décision. Alors que le comité organisateur du premier congrès (COC) s’apprête à tenir ces assises censées redonner un souffle nouveau à l’UDPS, il arrête tout. Le COC est dissout. Désabusé, Beltchika qui en était le premier vice-président, refuse d’abdiquer et convoque, malgré tout, ledit congrès en avril 2009. Le parti explose en deux fractions : aile Righini pour les pro-Beltchika et aile Limete pour ceux qui sont restés fidèles à Tshisekedi.

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À l’approche de la présidentielle de 2011, Tshisekedi est cette fois-ci dans les starting blocks, Beltchika de son côté se déclare non partant. « Je ne voulais pas qu’on me considère à tort comme celui qui lui barre la route pour faire le jeu du pouvoir », explique-t-il. L’ancien diplomate (il a été ambassadeur de l’ex-Zaïre entre 1976 et 2004) affirme même aujourd’hui que « Tshisekedi est resté [son] grand-frère ». Ils sont tous les deux originaires du Kasaï oriental et ont été élus « commissaires du peuple » (députés) lors des législatives de 1977.

« Briser la glace de la méfiance »

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Le 21 avril dernier, les deux protagonistes se sont retrouvés à Bruxelles pour « briser la glace de la méfiance », dit-on dans l’entourage de Beltchika. « Il ne s’agissait nullement d’une quelconque réconciliation », rétorque l’état-major de Tshisekedi dans la capitale belge.

François-Xavier Beltchika et Étienne Tshisekedi, le 21 avril 2016 à Bruxelles. © DR

François-Xavier Beltchika et Étienne Tshisekedi, le 21 avril 2016 à Bruxelles. © DR

Si le linge sale de la crise de 2009 a été lavé en « famille », les deux camps sont encore loin de parler un même langage : alors que l’UDPS de Tshisekedi maintient son intention à prendre part, sous certaines conditions, au dialogue politique convoqué par le président Joseph Kabila, le CDPS de François-Xavier Beltchika boude ce forum annoncé.

Le peuple tient à sa démocratie

« Le gouvernement a créé des obstacles pour justifier l’impossibilité de la tenue des élections dans les délais constitutionnels. Le dialogue convoqué ne servira qu’à consacrer le glissement du calendrier électoral », dénonce Beltchika, rappelant toutefois qu’il a été l’un des premiers à avoir appelé, « bien avant le scrutin de 2011 », à l’ouverture des pourparlers politiques en RD Congo. « Aujourd’hui, lorsque nous contextualisons le dialogue proposé, le danger paraît immense : ce forum cherche à freiner le processus de démocratisation du pays », ajoute-il.

En attendant, Beltchika annonce la mise en place d’un « fonds citoyen pour l’élection présidentielle 2016 ». Une initiative de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) que le leader du CDPS dit vouloir remettre sur la table « pour que les Congolais s’approprient le processus électoral ».

Chaque citoyen est appelé à verser mensuellement 1 000 francs congolais (environ 1 euro) pendant trois mois pour contribuer au financement des élections. C’est en tout cas, le nouveau pari de Beltchika. « Une façon pour le peuple congolais de démontrer à la communauté internationale qu’il tient à sa démocratie et est prêt pour l’alternance », martèle l’homme qui a désormais placé dans son viseur le président sortant, Joseph Kabila. Et c’est là, sans doute, l’histoire de son ultime combat politique.

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