Crise boursière : les places africaines doivent-elles trembler ?
L’affolement qu’ont connu les marchés occidentaux, à la suite de la dégradation de la note américaine, peut-il toucher l’Afrique ?
Selon Paul-Harry Aithnard, directeur de la recherche à Ecobank, « il ne faut pas sous-estimer l’impact de la crise de la dette occidentale sur les marchés africains ». Difficile d’en prévoir l’ampleur, mais les mouvements erratiques des cours mondiaux s’inscrivent dans un contexte déjà morose : depuis le début de l’année, la Bourse de Nairobi a cédé 16,04 %, la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan 4,98 %, celle de Lagos 5,5 %… Et de Casablanca au Caire, les places nord-africaines accusent le coup du Printemps arabe. À présent, quels sont les canaux de transmission de l’angoisse venue du Nord ? Et quels sont les risques si la crise devait durer ou se répéter ?
1. Quelle réaction des gestionnaires de fonds ?
« Les fonds étrangers qui ont des intérêts sur le continent pourraient revendre leurs participations », explique Cyrille Nkontchou, cofondateur de la société de gestion d’actifs Enko Capital. À Casablanca, la prudence est de mise : « Le marché marquait déjà le pas depuis février, à cause du Printemps arabe », explique Khalid Nasr, président du directoire de BMCE Capital. Avec de faibles volumes échangés, ajoute-t-il, le départ de 3 % à 5 % des investisseurs étrangers suffirait cependant à faire tanguer la place marocaine. Nairobi, Le Caire, Lagos et Johannesburg, dont les volumes d’investissements extérieurs sont plus importants, sont davantage sensibles. Gabriel Fal, PDG de CGF Bourse, est quant à lui plus optimiste : « Les gestionnaires de fonds pourraient au contraire se retirer un peu de la dette américaine, et mettre une partie de ces investissements en Afrique. »
2. Et si les cours des matières premières chutent ?
Une reprise molle ou une récession américaine, puis mondiale, conduirait mécaniquement à une baisse de la consommation. La diminution de la demande en matières premières (pétrole, minerais…) conduirait inévitablement à la chute des cours. Les pays dont les revenus en dépendent (Nigeria, Algérie, Afrique du Sud…) pourraient voir leur économie se fissurer. Pour d’autres États, dépendants au contraire des importations de produits agricoles ou énergétiques (Kenya, Sénégal…), l’impact serait positif, notamment en ralentissant l’inflation. Seule exception à la tendance baissière : l’once d’or, valeur refuge par excellence, ne cesse de progresser, atteignant le 9 août son record historique, à plus de 1 770 dollars (environ 1 258 euros).
3. Vers une instabilité monétaire ?
La volatilité du dollar et de l’euro peut à son tour influer sur l’économie réelle et, à terme, sur les marchés financiers. « Au Maroc, nous pourrions tirer avantage d’un dollar faible, en important moins cher. Mais a contrario, cela pourrait pénaliser nos exportations, d’autant plus si l’euro est, lui, trop élevé », note Khalid Nasr. Certaines monnaies africaines sont susceptibles aussi d’en pâtir. « À la suite de la crise de 2008, on a vu le naira [au Nigeria, NDLR] perdre 20 % », rappelle Paul-Harry Aithnard. Une fois de plus, les investisseurs joueraient la sûreté, en se dirigeant vers des monnaies refuges telles que le franc suisse.
4. Quel impact sur les États ?
Les États africains qui souhaitent avoir recours aux marchés pour se financer (emprunts obligataires) pourraient être soumis à la pression des investisseurs. Ces derniers, fragilisés sur les marchés en crise, pourraient demander un rendement supérieur et augmenter leurs taux. Même si, selon Gabriel Fal, « les taux appliqués sont déjà très élevés ». Enfin, d’aucuns pourraient avoir des difficultés à se séparer des dettes acquises auprès d’États africains, et les revendre moins chères qu’ils ne les ont acquises. Sont concernés les États qui ont une politique active dans ce domaine, comme le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et la Zambie.
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