Une démocratie qui vaut des milliards

Lors de la conférence de Paris sur la Libye, jeudi, les alliés du CNT se sont engagés à débloquer immédiatement 15 milliards de dollars sur une cinquantaine de milliards d’avoirs libyens gelés.

Publié le 2 septembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Quarante-deux ans jour pour jour après la prise du pouvoir par Mouammar Kaddafi, une soixantaine de pays et d’organisations se sont réunies pour un sommet sur la Libye qui a duré deux heures, jeudi en fin d’après-midi à Paris. Étaient conviés des soutiens des rebelles mais aussi d’anciens alliés de Mouammar Kaddafi, qui hésitaient jusque là à reconnaître le Conseil national de transition (CNT), comme la Russie ou la Chine qui s’étaient abstenus au moment du vote de la résolution 1973 au Conseil de sécurité, qui a permis l’intervention internationale en mars.

Le sommet Paris a finalement précipité les choses : Moscou a reconnu jeudi matin le CNT en tant qu’« autorité au pouvoir », tandis que Pékin a dit attacher « de l’importance à la position et au rôle considérable du CNT pour régler la crise ». Quant à l’Algérie, qui a accueilli sur son sol Safia, l’épouse de Kaddafi, et trois de ses enfants, elle s’est dite prête à reconnaître l’organe politique de la rébellion, dès que celui-ci aura formé « un nouveau gouvernement représentatif de toutes les régions du pays ». Au final, parmi les pays conviés, seule l’Afrique du Sud a boudé la conférence (photo ci-dessous, © AFP).

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Succès diplomatique

L’ONU veut aussi jouer un rôle dans la transition en cours. Ban Ki-moon s’est prononcé pour l’envoi rapide d’une mission dans le pays. « J’ai l’intention de travailler étroitement avec le Conseil de sécurité pour mandater une mission de l’ONU, qui devra entamer ses opérations dans le délai le plus court possible », a-t-il dit. A quelques exceptions près, le succès diplomatique est important pour le CNT, mais aussi pour Nicolas Sarkozy qui avait convié la conférence et précipité, il y a six mois, l’intervention de la coalition contre Mouammar Kaddafi.

Pour les rebelles, la réussite est aussi financière. Les grandes puissances ont décidé de débloquer immédiatement 15 milliards de dollars. « À la suite des différentes interventions autour de la table, c’est une quinzaine de milliards de dollars d’avoirs libyens dans nos pays qui sont immédiatement dégelés », a déclaré Nicolas Sarkzoy. « L’argent détourné par M. Kaddafi et ses proches doit revenir aux Libyens. Nous nous sommes tous engagés à débloquer l’argent de la Libye d’hier pour financer le développement de la Libye aujourd’hui », a-t-il ajouté en évoquant une enveloppe totale de plus de 50 milliards de dollars.

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La contrepartie attendue du côté libyen est double. Certes, il s’agit du partage du gâteau pétrolier, dont les pays moteurs de la coalition espèrent une large part. Dès jeudi, l’Union européenne a d’ailleurs levé ses sanctions à l’encontre de 28 « entités économiques » libyennes – des ports ainsi que des sociétés des secteurs énergétique et bancaire – pour aider au redémarrage de l’économie.

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Soutien politique

Mais c’est surtout un soutien politique qui est attendue de la Libye de demain, dans une région sensible pour les pays occidentaux, confrontés aux défis de l’immigration et du terrorisme. Des doutes sont notamment apparus concernant certains dirigeants rebelles, jugés proches des islamistes ou d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton (photo ci-dessous, © AFP) a ainsi demandé aux dirigeants de la « Libye nouvelle » de « continuer à lutter contre l’extrémisme violent et travailler avec nous pour s’assurer que les stocks d’armes de Kaddafi ne deviennent pas une menace pour les voisins de la Libye et le monde ».

« J’ai un message pour le peuple libyen : (…) tout est entre vos mains pour réaliser ce que nous avons promis : la stabilité, la paix et la réconciliation », a répondu un peu plus tard devant la presse le président du CNT, Mustapha Abdeljalil. « L’islam encourage au pardon. Il encourage à la réconciliation. L’État de droit doit être respecté », a-t-il encore affirmé.

Mais la guerre n’est pas encore finie. Alors que la conférence battait son plein, Kaddafi a appelé dans deux messages audio ses partisans à « poursuivre la résistance ». « Nous ne nous rendrons pas. Nous allons poursuivre le combat. (…) Préparez-vous à la guérilla, à la guerre urbaine et à une résistance populaire dans chaque ville », a-t-il lancé. Une résistance farouche qui pourrait sérieusement hypothéquer l’avenir de la future démocratie libyenne.

(Avec AFP)

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