Afrique subsaharienne : une croissance de champion

Selon les dernières prévisions du FMI, les pays au sud du Sahara seront les élèves les plus dynamiques de l’économie mondiale pour les deux ans à venir, dans un contexte global plutôt sombre. En revanche, la région Afrique du Nord - Moyen-Orient connaîtra un ralentissement.

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 27 septembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Ce n’est pas souvent que l’Afrique figure dans le peloton de tête de l’économie planétaire. C’est pourquoi les « Perspectives économiques mondiales » du Fonds monétaire international (FMI), publiées mardi 20 septembre à Washington, tombent à pic pour rappeler que le continent ne se réduit pas à la Corne de l’Afrique et à la famine qui y sévit. Les statistiques du FMI font apparaître que l’Afrique subsaharienne devrait être la star des deux prochaines années, la seule région du monde où la croissance progressera entre 2011 (5,2 %) et 2012 (5,8 %), car même les colosses chinois (de 9,5 % à 9 %) et indien (de 7,8 % à 7,5 %) réduiront la voilure.

En 2011, le contraste est saisissant entre le champion d’Afrique subsaharienne, le Ghana (13,5 %), et le cancre, sa voisine la Côte d’Ivoire (- 5,8 %), qui pâtira encore des ravages de la guerre civile. En 2012, la croissance de l’Angola (10,8 %) sera significative, car basée sur une forte reprise pétrolière. À la traîne, outre le tout petit Swaziland (0,6 %) empêtré dans une gestion hasardeuse, on relève le Zimbabwe (3,1 %) toujours convalescent, le Gabon (3,3 %), les Comores (3,5 %) et l’économie la plus importante de la région, l’Afrique du Sud (3,6 %), plombée par son chômage et la cherté de sa monnaie, le rand.

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Le point noir : l’inflation

Le FMI distingue trois groupes de pays. Celui des pays à bas revenus (6 % en moyenne) renoue avec « ses taux de croissance d’avant la crise », lit-on dans le rapport, par exemple parce que les combats ont cessé en Côte d’Ivoire (8,5 % en 2012), parce que les investissements se multiplient au Kenya et parce que les mines et le pétrole tirent le Niger et la Sierra Leone de leur extrême pauvreté. Les pays à revenus moyens sont les moins vaillants (3,6 % en moyenne). Plus ouverts à la mondialisation, ils en subissent les hoquets, à l’instar de l’Afrique du Sud. Pourtant, le Botswana (6,2 % en 2011) et le Cap-Vert (5,6 %) tirent leur épingle du jeu. Les pays pétroliers caracolent évidemment en tête, à la suite de l’Angola, du Congo (7 %), du Tchad (6,9 %) et du Nigeria (6,6 %).

Ces positions « solides » qui lui ont permis de ne souffrir que brièvement de la crise, l’Afrique subsaharienne les doit à l’assainissement de ses comptes publics depuis dix ans et à ses exportations de matières premières, qui ont dopé sa consommation domestique. Elle a été aidée, juge Rupa Duttagupta, membre de l’équipe des études sur l’économie mondiale du FMI, « par ses politiques budgétaires accommodantes et par la réorientation de son commerce vers les marchés en développement et émergents, notamment l’Inde et la Chine ».

Le seul vrai point noir est l’inflation, qui s’y élève à plus de 8 %, sous l’effet de la hausse des cours des matières premières énergétiques et alimentaires. Les pays pétroliers – en raison de leur rapide expansion monétaire – et les pays de l’Est africain – en raison de la sécheresse – sont les plus menacés par ce fléau qui déstabilise les budgets des ménages les plus pauvres.

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La situation des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est beaucoup moins enviable. Leur croissance est déclinante : 4,4 % en 2010, 4 % en 2011 et 3,6 % en 2012. L’explication de ce phénomène tient aux troubles qui ont été en partie provoqués par une forte hausse des prix alimentaires et qui ont débouché sur le Printemps arabe, libérateur des peuples mais perturbateur des économies. Comme le souligne le FMI, ses prévisions sont affectées par des « incertitudes importantes et inhabituelles » du fait de la persistance de l’instabilité politique.

Les économies les plus solides se trouvent aux extrémités de la région : le Maroc (4,6 % cette année), l’Arabie saoudite (6,5 %), qui a substitué son pétrole à celui de la Libye en guerre, et l’Irak en pleine reconstruction (9,6 %). Sans surprise, les plus fragiles vivent ou ont vécu des bouleversements : la Syrie (- 2 % cette année), le Soudan (- 0,2 %), la Tunisie (0 %) et l’Égypte (1,2 %). La gageure pour ces pays consiste, selon le FMI, à « construire une cohésion sociale » tout en évitant de dégrader des budgets déjà mal en point, sachant que, sans amélioration significative des marchés du travail, aucun progrès ne sera pérenne.

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Le nord à la peine

Belles ou sombres, ces perspectives sont suspendues à la santé chancelante des pays développés. En les présentant, Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, a pris la précaution de rappeler que « l’économie mondiale est entrée dans une phase dangereuse ». Il ne s’attendait pas au ralentissement des économies avancées, plus prononcé que prévu, avec 3,1 % en 2010, 1,6 % en 2011 et 1,9 % en 2012. Les États-Unis et l’Europe sont presque à l’arrêt, et le Japon en récession, pour cause de séisme et de tsunami.

Personne non plus ne s’attendait à la panique qui a saisi les marchés, cet été, parce qu’ils « sont devenus plus sceptiques sur la capacité des gouvernements à stabiliser leurs dettes publiques » en Amérique, en Europe et au Japon. « Une croissance plus faible rend le rétablissement budgétaire plus difficile, et le rétablissement budgétaire peut ralentir la croissance », a déclaré Olivier Blanchard, qui redoute un cercle vicieux où la persistance du chômage et la peur du risque conduiraient les banques à ne plus prêter, les ménages à moins consommer et les entreprises à moins investir : la rechute serait assurée.

Si ce scénario catastrophe – que le FMI dit peu vraisemblable – se mettait en place, Olivier Blanchard juge que le monde en développement en serait inévitablement affecté, ses exportations étant rendues plus difficiles par le recul de la consommation des pays du Nord. L’Afrique dépendrait alors de la capacité des pays d’Asie et d’Amérique latine à maintenir leurs capacités de croissance et leurs achats envers et contre tout. Comme en 2009. 

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