Après l’uranium, place au pétrole
Le 29 septembre, Niamey est entré dans le cercle restreint des producteurs d’or noir. Avec la mise en route de projets miniers, cela devrait assurer au Niger l’une des plus fortes croissances d’Afrique en 2012.
Les bonnes nouvelles s’accumulent à Niamey. Elles sont économiques, après avoir été politiques. À l’élection présidentielle de mars, qualifiée d’exemplaire et qui a vu le sacre de Mahamadou Issoufou, ont succédé les bonnes perspectives du Fonds monétaire international (FMI). Le Niger, pays aux 15,5 millions d’habitants, devrait connaître en 2012 la deuxième plus forte croissance africaine, avec 12,5 % (5,5 % en 2011), derrière la Sierra Leone (51,4 %) et devant l’Angola (10,8 %). « L’expansion en cours des secteurs du pétrole et des mines améliore les perspectives à moyen terme, estime le FMI. Les exportations pétrolières et minières devraient tripler entre 2011 et 2016. »
En ce qui concerne l’uranium, première ressource du pays, le démarrage en 2013 de l’exploitation de la mine d’Imouraren par le français Areva fera passer Niamey de la sixième à la deuxième place mondiale : la production devrait atteindre 5 000 tonnes/an et aura nécessité 1,3 milliard d’euros d’investissements. Le minerai radioactif devrait rapporter au pays plus de 100 millions d’euros en 2012, soit 15 millions de plus que cette année. La production d’or doit aussi connaître un nouveau souffle (la Société des mines du Liptako, détenue à 80 % par le canadien Semafo et à 20 % par l’État, produit moins de 2 t/an), avec cinq permis attribués à des sociétés canadienne, australienne et ghanéenne.
L’aubaine d’Agadem
Surtout, le pays est entré, depuis le 29 septembre, dans le cercle restreint des producteurs de pétrole. Si son sous-sol est exploré depuis plus de trente ans, il aura fallu attendre l’arrivée de China National Petroleum Company (CNPC) pour mettre au jour des réserves exploitables. Entré dans le pays avec deux permis (Ténéré et Bilma) en 2003, c’est sur un troisième, Agadem, que CNPC a révélé un gisement de 350 millions de barils.
Le contrat signé entre CNPC et l’État en juin 2008, pour 3,2 milliards d’euros, comprend l’exploration et le développement d’Agadem, la construction à Zinder d’une raffinerie de 20 000 barils/jour (b/j), exploitée par la Société de raffinage de Zinder (Soraz, détenue à 40 % par l’État et à 60 % par CNPC), ainsi que la réalisation d’un pipeline pour relier les deux sites, distants de 350 km (voir carte). « L’entreprise a dépassé ses engagements en creusant une soixantaine de puits, contre une quinzaine prévus initialement », explique le ministre du Pétrole et de l’Énergie, Foumakoye Gado.
De 12 000 b/j aujourd’hui, CNPC entend monter la production d’Agadem à 20 000 b/j d’ici à quatre six mois et atteindre les 100 000 b/j en 2018. Après cette date, la production décroîtra jusqu’en 2030. Au-delà de 20 000 b/j, le pétrole sera exporté via un pipeline à construire qui rejoindra un oléoduc tchadien menant jusqu’au port de Kribi, au Cameroun.
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Indépendance énergétique
Foumakoye Gado aux commandes
Le portefeuille des Mines et de l’Énergie a été scindé en deux : Pétrole et Énergie d’un côté, Mines et Développement industriel de l’autre. Nommé ministre du Pétrole le 16 septembre, Foumakoye Gado, 50 ans, finalise tout juste son équipe. Chimiste de formation, c’est à l’université de Liège (Belgique) qu’il a obtenu son doctorat en 1985, avant d’être enseignant-chercheur à l’université de Niamey. Il s’engage très tôt en politique, aux côtés de Mahamadou Issoufou, au sein du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Secrétaire général du PNDS jusqu’à aujourd’hui, il était aux premières loges lors du sacre de son ami « Zaki » (« le lion » en haoussa), le 12 mars. M.P.
Selon Foumakoye Gado, les hydrocarbures (production, raffinage, distribution), qui génèrent 26 millions d’euros de recettes par an, sont appelés à devenir le premier secteur économique du pays, avec des revenus annuels estimés à 115 millions d’euros (environ 2,7 % du PIB). À la clé : 350 emplois directs (sur la raffinerie) et 500 indirects (sur toute la filière). Et ce n’est pas fini : « Le démarrage d’Agadem va attirer les investisseurs », estime le ministre. Sipex, filiale de l’algérien Sonatrach, explore déjà dans le Nord, et d’autres opérateurs se sont dits intéressés par des permis. Des américains opérant au Nigeria auraient approché les autorités.
Déjà, CNPC offre au Niger, enclavé et soumis aux fluctuations des prix du pétrole, la perspective de l’indépendance énergétique. Environ un tiers des 20 000 b/j produits à Zinder alimenteront le pays à travers la Société nigérienne des produits pétroliers (Sonidep). Pour le reste, Foumakoye Gado assure être en discussion avec des clients au Nigeria.
Subventionné, le litre d’essence à la pompe à Niamey coûte aujourd’hui environ 679 F CFA (1,04 euro). « En 2010, les subventions ont coûté quelque 30 milliards de F CFA à l’État, explique le ministre. Nous avons mis en place un programme progressif de réduction, sans quoi cela nous aurait coûté encore 40 milliards cette année. » Selon les premières projections, le litre d’essence raffiné à Zinder sera vendu, à partir du 29 novembre, aux alentours de 550 F CFA. Encore une bonne nouvelle. Pour les consommateurs, cette fois.
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Quand le chinois CNPC enchaîne les couacs
À N’Djamena, le groupe demande à l’État d’augmenter les tarifs à la pompe. À Niamey, il revient sur le deal passé en 2008. Lésé ou trop gourmand ?
Une stratégie bien rodée. En proposant au Tchad, en 2007, et au Niger, en 2008, un package comprenant la production de brut et la construction d’une raffinerie de petite taille (20 000 barils/jour) et d’un pipeline, China National Petroleum Company (CNPC) leur a fait miroiter la perspective de gagner leur indépendance énergétique.
Mais si le projet est séduisant sur le papier, il l’est moins dans les faits. La tension est à son comble au Tchad. Au cœur du conflit : les prix des produits de la Société de raffinage de N’Djamena (SRN), détenue à 60 % par CNPC et à 40 % par l’État. Alors que ce dernier a fixé le prix du litre d’essence à 330 F CFA (0,50 euro), les Chinois estiment que, avec un baril à 60 euros, le prix de revient du litre de carburant se situe à 470 F CFA. Conséquence ? CNPC évalue la perte de la SRN, entre son démarrage, le 29 juin, et fin septembre, à plus de 65 millions d’euros.
Dans un communiqué, le groupe chinois estime que cette situation « ne permet pas à la SRN de poursuivre son exploitation normale ni de rembourser son prêt », la raffinerie ayant coûté 450 millions d’euros. CNPC réclame l’application des prix du marché, tandis que le Tchad reste sur sa position : N’Djamena a confirmé, le 3 octobre, les prix à la pompe. Cependant, l’État pourrait lâcher du lest pour ne pas compromettre un projet de cimenterie, dans l’ouest du pays, porté par une autre entreprise chinoise, CAMCE.
Facture gonflée
Frictions identiques au Niger. La raffinerie de Zinder, qui produira son premier litre d’essence le 28 novembre, est déjà contestée. D’un montant initial de 450 millions d’euros, la facture présentée par CNPC pour la construction de Zinder – dont l’État doit régler 40 % – a dérapé à 740 millions d’euros… Or une étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) doute sérieusement du bien-fondé d’une telle augmentation. Au moment du deal signé en 2008, aucune étude de faisabilité n’avait été faite – elle ne sera présentée que un an plus tard…
Pour justifier le surcoût, CNPC invoque un chantier plus complexe que prévu (site « physiquement » difficile, beaucoup de terrassements, difficultés d’approvisionnement en eau…). L’étude du Pnud n’a pu chiffrer avec exactitude le coût de l’installation, mais elle recommande à Niamey de ne pas régler une facture dépassant le tarif initial de plus de 30 %. À vouloir aller trop vite, CNPC risque de se discréditer. Stéphane Ballong et Michael Pauron
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