Algérie : quand l’affaire Sonatrach accouche d’une souris

Après dix-huit mois d’une instruction à rebondissements, le juge a procédé à une requalification des faits reprochés à l’ancien patron du groupe pétrolier algérien Sonatrach, Mohamed Meziane. Qui n’est plus passible des assises.

Publié le 18 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Présentée comme le scandale du siècle, l’affaire Sonatrach, du nom du groupe pétrolier public algérien (près de 80 milliards de dollars – 60 milliards d’euros – de chiffre d’affaires en 2010), est en train de tourner au flop judiciaire. Révélés en janvier 2010 par une enquête du Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets) agissant en police judiciaire, les soupçons de malversations et de détournement des deniers publics pesant sur Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, ses deux fils, Fawzi et Mohamed Réda, les quatre vice-présidents du groupe, ainsi que sur une dizaine de personnes, avaient valu aux intéressés une mise en examen, voire, pour certains d’entre eux, une longue détention préventive.

Après dix-huit mois d’une instruction à rebondissements au cours de laquelle le magistrat instructeur a refusé la demande de la défense d’auditionner le ministre de tutelle, Chakib Khelil, qui a perdu quelques mois plus tard le portefeuille dont il avait la charge depuis une décennie, le juge a procédé, le 12 septembre, à une requalification des faits. Les chefs de corruption aggravée, de blanchiment d’argent et d’association de malfaiteurs n’ont pu être établis. Les prévenus ne sont donc plus passibles de la cour d’assises mais d’une simple juridiction correctionnelle.

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Eléments à décharge

Pour rappel, les faits se rapportent à la passation de marchés pour l’installation de matériel de télésurveillance dans les sites de production d’hydrocarbures au profit de l’italien Saipem et de l’allemand Contel Funkwerk Plettac, qui employait un des fils de Meziane. L’instruction a établi que ni Sonatrach ni le Trésor public n’avaient subi de préjudice financier, confirmant les propos de Meziane, qui nous avait assuré : « Sur les dix marchés lancés en 2008 pour équiper nos gisements d’équipements de vidéosurveillance, deux ont été remportés par la société qui employait mon fils. Ce n’est pas un hasard si ce sont les deux seuls à avoir été menés à leur terme. Mes enfants ne se sont pas enrichis indûment. S’ils ont gagné de l’argent, c’est par leur travail et non leur ascendance. »

Un proche de Meziane est encore plus explicite : « Le montant des marchés décriés s’élève à 140 millions de dollars. Or, en 2008, la Sonatrach de Mohamed Meziane avait investi près de 14 milliards de dollars. » Autre élément à décharge, très peu connu du public. Quand le DRS a transmis le dossier au parquet, Sonatrach ne s’est pas porté partie civile. Mieux : selon son règlement intérieur, il a pris en charge les frais d’avocat de ses cadres poursuivis. Mais lorsque l’affaire a pris des allures de scandale financier, les pressions ont été telles que la nouvelle direction de Sonatrach a changé son fusil d’épaule, se portant partie civile et demandant à ses avocats de se retirer de l’équipe de défense. Résultat : Meziane et consorts se sont retrouvés sans avocat. L’ancien PDG s’est alors adressé à un ténor du barreau d’Alger, qui accepte de prendre l’affaire en main contre un chèque de 500 000 dinars (5 000 euros environ). « J’ai été surpris, raconte cet avocat, d’entendre mon interlocuteur me dire qu’il n’avait pas les moyens de payer. Comment l’ancien gestionnaire de Sonatrach peut-il être dans l’impossibilité de régler des honoraires à la portée d’un patron de PME ? Je n’ai finalement pas été constitué, mais je peux vous dire que le désarroi que j’ai perçu dans le regard de Meziane n’était pas feint. »

L’arrêt du juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed (Alger centre) a été transmis pour confirmation à la chambre d’accusation. En attendant, sa décision n’a pas valeur de levée d’écrou au profit des prévenus en détention préventive. Les deux fils de Mohamed Meziane, trois ex-vice-présidents de Sonatrach, un ancien PDG du Crédit populaire algérien ainsi que son fils sont toujours en prison. Du coup, l’affaire Sonatrach ressemble à une guerre de tranchées dans les hautes sphères du pouvoir, Chakib Khelil étant considéré comme un proche du président Abdelaziz Bouteflika que l’on aurait ainsi tenté de fragiliser. Comment dit-on « pschitt » en arabe ?

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