Algérie : et si le cours du pétrole s’effondrait…

Fortement dépendante des hydrocarbures, tributaire du secteur public, le pays peine à trouver une ligne économique viable.

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 4 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

L’Algérie est incorrigible et le Printemps arabe n’y changera rien. Son pétrole et son gaz lui permettent de persister dans la voie de l’erreur, qui ne se révélera calamiteuse qu’à l’épuisement des gisements d’hydrocarbures, c’est-à-dire trop tard.

Elle n’est plus cette sorte de démocratie populaire, façon Europe de l’Est des années 1970-1980, qui a débouché sur la guerre civile. Et elle n’est plus non plus le régime légèrement libéral mis en place dans les années 1990. Mais son économie demeure une assistée, totalement tributaire du secteur public, lui-même dépendant des hydrocarbures, qui représentent 97 % des exportations du pays. La seule politique économique que connaissent les autorités consiste à dépenser plus sans créer de richesse correspondante. Quelques émeutes sans lendemain éclatent-elles dans la foulée de la Révolution tunisienne, le gouvernement ouvre les vannes des subventions pour l’huile, le sucre, le blé ou l’eau. Sans parler de la hausse de 20 % du salaire minimum consentie fin septembre.

Seule politique économique connue des autorités : dépenser plus sans créer de richesse correspondante.

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Certes, les dépenses d’équipement se poursuivent intensément dans le logement, l’eau – où 15 milliards de dollars (10,9 milliards d’euros) seront investis entre 2010 et 2014 -, les autoroutes, les voies ferrées, les énergies renouvelables (15 milliards d’euros d’ici à 2021), mais elles engendrent d’autant moins de richesse et de travail que les chantiers emploient souvent une main-d’œuvre asiatique.

Certes, les réserves en devises du pays atteignent 174 milliards de dollars, soit trois ans d’importations, ce qui permet de voir venir… Mais l’Algérie est à la traîne. Selon les chiffres du Fonds monétaire international, sa croissance entre 2002 et 2011 (voir illustration ci-dessous) est la plus faible du Maghreb (hormis en cette année 2011 de révolution tunisienne), alors que la Tunisie et le Maroc sont dépourvus de telles réserves énergétiques. Son inflation et son taux de chômage des jeunes sont les pires. Comparé aux grands États du golfe Persique, c’est le pays qui a le plus besoin de la manne pétrolière pour équilibrer ses comptes.


Tous les dirigeants algériens se méfient de l’entreprise privée, seule capable pourtant de créer de la richesse. Dans leur discours, ils la glorifient et bonifient les prêts aux PME. En réalité, ils ont gardé de la guerre de libération la conviction que les entrepreneurs sont des « prédateurs » et plus encore s’ils sont étrangers, comme l’a dit à plusieurs reprises le président Bouteflika. L’entreprise publique est presque logée à la même enseigne. Dans les pays développés, quand une telle entreprise se porte mal, son patron est remercié. En Algérie, il peut être jeté en prison pour délit de mauvaise gestion au gré d’opérations « mains propres » très aléatoires.

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« De plus en plus d’options économiques critiquables sont transcrites dans des textes juridiques rédigés de manière approximative, explique Mehdi Haroun, avocat associé du cabinet britannique Herbert Smith. Beaucoup de projets d’investissement sont tombés à l’eau en raison d’un environnement législatif et réglementaire devenu restrictif. Comment espérer qu’un investisseur étranger risque ses fonds, alors qu’une loi de finances complémentaire l’oblige à céder la majorité du capital de sa société à des Algériens et que l’État se réserve un droit de préemption en cas de revente de ses actions ? Qu’on ne s’étonne pas si les investisseurs ignorent l’Algérie tant les règles y sont obscures, changeantes et souvent incohérentes par rapport à la pratique normale des affaires. »

Il ne reste plus qu’à espérer que la pluie soit au rendez-vous à nouveau, comme cette année, où le pays attend des recettes agricoles en hausse de 23 % par rapport à 2010 ; et, surtout, que l’économie mondiale n’entre pas en récession, ce que laisse craindre le fort ralentissement des économies européennes et américaine criblées de dettes. Si le cours du pétrole s’effondrait durablement, un Printemps algérien ne serait plus exclu, puisque l’atonie démocratique y tient en partie à l’omnipotence de l’or noir et aux généreuses dépenses budgétaires qu’elle autorise. 

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