Siné : retour sur les années algériennes du caricaturiste

Concepteur de la charte graphique de la Sonatrach, ami d’Abdelaziz Bouteflika, le caricaturiste Maurice Sinet, appelé Siné, est décédé ce jeudi. Il avait des liens solides avec l’Algérie, bien avant que ce pays ne recouvre son indépendance.

Dessinateur iconoclaste, Siné  est décédé le 5 mai 2016 à l’âge de 87 ans. © Capture d’écran/Youtube

Dessinateur iconoclaste, Siné est décédé le 5 mai 2016 à l’âge de 87 ans. © Capture d’écran/Youtube

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Publié le 5 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

Le dessinateur Siné, de son vrai nom Maurice Sinet, est décédé, jeudi 5 mai, des suites d’une opération du poumon à l’hôpital Bichat de Paris. Âgé de 87 ans, cet ancien collaborateur du magazine Charlie Hebdo dont il avait été exclu avant de fonder l’hebdomadaire « Siné Hebdo », qui deviendra vite mensuel, était connu pour ses dessins au vitriol, son langage fleuri et ses prises de positions tranchées. Mais, il existe une autre facette de son parcours qui reste peu connue du grand public : ses liens avec l’Algérie.

Bouteflika, Ghozali… et les autres

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Dans les années 1960, Siné est engagé pour dessiner le logo et l’habillage graphique de la Sonatrach, le groupe pétrolier qui assure aujourd’hui 98 % des recettes en devises de l’Algérie. Presque 50 ans après sa création, ce logo constitué de la lettre S posée sur la lettre H, inscrites en encre noir sur un fond orange, demeure inchangé. En octobre 2012, dans un texte où il égrène ses souvenirs en Algérie, Siné raconte ainsi cette formidable aventure : « Pendant 13 ans, de 1965 à 1978, j’ai complètement conçu, aidé par mon ami Michel Waxmann pendant les premières années, l’image de la société algérienne (Sonatrach), son logo, sa couleur, le design des stations-service et de ses volucompteurs, jusqu’à celui des raffineries en passant par tous les conditionnements, la flotte et même les costumes des pompistes ! »

Amis de certains dirigeants, notamment de l’actuel président Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, ou de Sid Ahmed Ghozali, à l’époque patron de la Sonatrach, avec lesquels il faisait régulièrement la fête dans la station balnéaire du Club des Pins, Siné ne se contente pas d’offrir ses services au géant pétrolier. Il traverse également l’Algérie de part en part pour aller à la découverte d’un pays dont il partagea le combat contre le colonialisme français. Il hébergera même en France des militants du FLN pendant la guerre d’Algérie. Plus tard, il affirme ne pas regretter même si « c’est vachement triste de voir le résultat ».

Amoureux de l’Algérie

En octobre 2012, Siné raconte encore ses souvenirs de cette période post-indépendance : « J’ai sillonné l’Algérie en long, en large et en travers, de Sétif où a eu lieu, le 8 mai 1945, le terrible massacre faisant 40 000 morts, hommes, femmes, enfants et vieillards confondus qui réclamaient pacifiquement l’indépendance, ce qui, du coup, déclencha la lutte armée, à Tipaza en Kabylie, où l’architecte Pouillon n’hésita pas à construire un village de vacances imbriquant sans scrupule ses maisons aux ruines numides classées depuis au patrimoine mondial de l’Unesco ! »

Ben Bella charge Siné, dont il est également ami, de remettre en 1962 une lettre en mains propres à Fidel Castro

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À l’indépendance du pays en 1962, Siné collabore pendant quelques mois avec la revue tiers-mondiste Révolution Africaine, organe central du FLN (Front de libération nationale). C’est son avocat et ami Jacques Vergès qui l’y engage comme dessinateur dans cette publication créée à l’initiative du président Ahmed Ben Bella, qui sera renversé par un coup d’État en juin 1965. Ce dernier charge Siné, dont il est également ami, de remettre en 1962 une lettre en mains propres à Fidel Castro dans laquelle il lui fait part de son amitié et il lui déclare le soutien du peuple algérien « dans l’œuvre profondément humaine » qu’il entreprenait à Cuba.

Aux débuts des années 1980, le cinéaste algérien Mahmoud Zemmouri sollicitera à son tour Siné pour dessiner l’affiche de son film, qui sortira en 1986 : Les folles années du twist. L’histoire, qui se déroule dans un petit village d’Algérie entre 1960 et 1962, est celle de deux jeunes amateurs de rock qui pensent plus à s’amuser qu’à s’engager aux côtés du FLN.

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