Le CNT fait l’inventaire des avoirs libyens en Afrique
Environ 35 milliards de dollars. C’est le montant estimé des investissements réalisés sous Kaddafi sur le continent. Autant d’actifs qui devraient être soldés, à terme, pour financer l’économie libyenne. État des lieux.
« La Libye est un pays riche habité par des gens pauvres ! » s’exclamait le 11 octobre Ali Tarhouni, chargé des questions financières et pétrolières au sein du Conseil national de transition (CNT). Après leurs premières investigations, les nouvelles autorités estimaient à cette date la valeur des avoirs étatiques libyens autour de 140 milliards de dollars (environ 100 milliards d’euros), investis dans le capital de sociétés, dans des obligations, ou disponibles sur des comptes bancaires dans le monde entier… Sur cette somme pharaonique, 65 milliards de dollars d’actifs étaient gérés par la Libyan Investment Authority (LIA), le fonds souverain lancé en 2006 par le défunt régime pour investir dans l’économie mondiale après la levée des sanctions à son encontre.
D’après le CNT, le Libyan African Investment Portfolio (LAP), filiale de la LIA destinée à l’Afrique, pesait mi-octobre 5 milliards de dollars, répartis entre le portefeuille de son fonds Laico (Libyan African Investment Company), la compagnie aérienne Afriqiyah Airways et le groupe pétrolier Libya Oil Holding. Mais le « gâteau africain » des Libyens pourrait être plus gros : Guma el-Gamaty, porte-parole du CNT à Londres, évoque des avoirs africains – financés en dehors du canal de la LIA – dans l’hôtellerie, l’agriculture et l’industrie… d’une valeur de 35 milliards de dollars. Ce chiffre est sans doute exagéré, mais il montre l’ampleur du travail qui reste à faire pour y voir clair.
Si les avoirs étatiques libyens ne sont pas encore tous identifiés, notamment en Afrique, un consensus se dessine peu à peu au sein du CNT sur leur gestion : il s’agit, dans un premier temps, d’éviter la désorganisation et de gérer au mieux les investissements, puis, à moyen terme, une fois un pouvoir démocratiquement élu, de rapatrier la majorité des fonds placés à l’étranger pour doper l’économie nationale et la rendre moins dépendante du pétrole.
Carte : les principaux investissements libyens en Afrique (source : The Africa Report)
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Pour suivre cette stratégie, le CNT a placé ses hommes aux commandes. Le financier Rafik el-Nayed, proche d’Ali Tarhouni, a ainsi été nommé directeur général de la LIA en septembre. Le technocrate Mahmoud Badi a quant à lui été désigné pour superviser spécifiquement les avoirs placés à l’étranger. Les nouvelles autorités ont opté pour la méthode douce : elles se sont gardées de limoger les anciens cadres de la LIA qui n’avaient pas démissionné, pour éviter une désorganisation complète et une fuite de capitaux. Un phénomène qu’avait connu l’Irak dans l’immédiat après-guerre.
Montages complexes
Si le désengagement paraît simple en Europe, avec une revente progressive d’une partie des actions ou obligations détenues quand elles seront dégelées, il en va autrement au sud du Sahara, où désinvestir devrait s’avérer particulièrement ardu. Les avoirs libyens y sont essentiellement des parts de firmes non cotées, souvent en coentreprise avec un État ou une société publique, avec des montages financiers complexes. Sous Kaddafi, certains investissements ont été réalisés par Laico (dont la création remonte aux années 1970), quelques-uns ont été financés directement par son holding LAP (créé en 2006), d’autres par des partenariats entre plusieurs sociétés libyennes, elles-mêmes filiales de Laico, LAP ou LIA (Libya Oil Holding, Libyan Foreign Bank… lire p. 89).
Pour Tripoli, il sera difficile de se désengager d’Afrique subsaharienne sans y laisser des plumes. Les négociations avec ses partenaires devraient s’avérer difficiles, mais une sortie en douceur sur une très longue période – dix ans ? – pourrait préserver au mieux les intérêts de la Libye comme ceux des pays africains concernés. Compte tenu des besoins financiers au sortir de la guerre, pas sûr que les Libyens soient si patients.
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