Aéronautique tunisienne : l’ouverture attendra

Entre hausse du prix du pétrole et crise du tourisme, le secteur subit le contrecoup de la révolution. Pour le protéger, un accord devant donner aux compagnies européennes un libre accès au ciel tunisien a été reporté.

Publié le 22 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Malgré une fréquentation touristique qui pique du nez, l’aéroport de Tunis-Carthage ne désemplit pas. Mais les usagers tunisiens sont mécontents : « Tunisair nous piège. Ses prestations sont insatisfaisantes, ses retards dramatiques et ses offres promotionnelles des attrape-nigauds. Elle fait payer à ses clients son déficit et sa mauvaise gestion. Vivement le low-cost », assène Walid, informaticien et grand voyageur.

Mais pour cela, il devra attendre ; l’accord Open Sky de libéralisation du transport aérien entre la Tunisie et l’Union européenne a été reporté sine die. Salem Miladi, ministre du Transport, explique que « la conjoncture actuelle, avec notamment la hausse du prix du pétrole et les révolutions arabes, ne permet pas l’ouverture du ciel tunisien ». Officiellement, le 14 janvier n’a pas permis au pays de se préparer à l’Open Sky ; officieusement, il faut que les compagnies attachent leurs ceintures et baissent leurs charges pour être compétitives.

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Après le trou d’air de la révolution et l’évaluation des ponctions opérées par le système Ben Ali, c’est le temps des comptes. En 2010, Tunisair a enregistré une hausse de 4,8 % de son chiffre d’affaires (CA), qui s’établit à 1 051,8 millions de dinars (533,8 millions d’euros), mais aussi une perte de 3,8 millions de dinars due à une hausse de 9,5 % de ses charges d’exploitation. Et sur les quatre premiers mois de 2011, son CA a baissé de 26 % par rapport à l’année dernière ; avec un recul de, respectivement, 15 % et 55 % sur la même période, Tunisair Express (ex-Sevenair) et Nouvelair, dont l’activité est très dépendante du tourisme, souffrent également.

Arrivée des low-cost tunisiens

Si les trois transporteurs n’affronteront pas dans l’immédiat EasyJet ou Ryanair, ils auront affaire, dès avril 2012, à une concurrence locale : celle de Freejet, bientôt rejoint par Syphax Airlines. Fondé par Mohamed Frikha, patron du groupe Telnet, ce dernier opérera depuis Sfax. Il desservira la France – avec des vols quotidiens pour Paris -, l’Italie, la Libye, le Maroc et la Turquie, et vise à supplanter Tunisair à partir d’une destination qu’il néglige. « Avec un service de type charter à tendance low cost », Freejet opérera depuis Tunis. Son promoteur, Khaled Benhadj Ali, se veut rassurant : « Freejet, avec son orientation hybride, contribuera à atténuer la pression concurrentielle sur nos compagnies nationales et desservira de nouvelles contrées », telles la Biélorussie et l’Ukraine. La compagnie, qui cible les marchés scandinaves, mais aussi le sud de la France et le nord de l’Italie, prévoit de collaborer avec des tour-opérateurs de petite et moyenne statures.

Dans la filière touristique, on déplore le report de l’accord Open Sky, dont les retombées bénéficient à des destinations concurrentes. « L’ouverture du ciel constitue un des piliers principaux de la politique d’avenir du tourisme », souligne Habib Ammar, directeur général de l’Office national tunisien du tourisme (ONTT). De son côté, Habib Ben Slama, directeur central du produit à Tunisair, affirme que « la libéralisation du ciel est un accord déséquilibré à la base ; ce sont les compagnies de l’Union européenne qui vont en bénéficier et réduire leurs coûts, aux dépens du pavillon national, qui sera lésé ».

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Visions opposées

Deux visions opposées qui soulignent combien Tunisair, entre baisse de performances, revendications sociales et mutations des marchés, navigue à vue. Le groupe doit plancher sur sa stratégie, revoir son réseau et se positionner clairement comme un service public ou une société commerciale. Et composer avec les exigences de la filière touristique : il ne peut se mettre à dos un secteur qui représentait, en 2010, 7 % du PIB tunisien, et dont la relance est capitale pour l’économie du pays. 

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