Assurances : trois acteurs dominent le marché de Libreville à Dakar

 Colina, NSIA et Sunu, groupes régionaux de tailles comparables, se partagent l’Afrique subsaharienne francophone. Avec succès : ensemble, ils pourraient rivaliser avec les assureurs marocains, largement en tête de notre palmarès.

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 5 février 2009 Lecture : 5 minutes.

Un certain retard

L’assurance est un domaine financier où l’Afrique accuse un retard certain. Si les marchés commencent à prendre forme au Maghreb, le poids du secteur dans la zone Cima (Conférence interafricaine des marchés d’assurances, qui réunit quatorze États) est encore faible. Au total, il a représenté un chiffre d’affaires de 485 milliards de F CFA (740 millions d’euros) en 2006. Un petit marché sur lequel trois groupes régionaux – Sunu, Colina et NSIA – ont imposé leurs marques en quelques années. Au point d’être aujourd’hui des acteurs centraux en Afrique de l’Ouest et centrale. « Nous assistons à une montée en puissance de ces trois groupes au détriment des acteurs internationaux et des petits acteurs locaux », explique un professionnel de la finance africaine. Connu sous la marque Union des Assurances, Sunu s’est développé à partir de 1997 en reprenant l’activité assurance vie du français Axa, lorsque celui-ci a décidé de se consacrer à la branche dite incendie, accidents, risques divers (IARD, ou assurance dommages). Sunu représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de 58 milliards de F CFA. NSIA était né deux ans plus tôt de la reprise de la filiale ivoirienne d’un autre français, AGF, qui souhaitait se désengager de l’Afrique. NSIA pèse 64 milliards de F CFA dans l’assurance et 21 milliards de F CFA dans la banque, depuis son rachat de la BIAO Côte d’Ivoire en 2006. Né en 1980, Colina est le plus ancien des trois, présent dans l’assurance vie depuis la reprise des activités d’un troisième français, Groupama.

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Discrètement, mais sûrement, tous trois sont devenus des géants totalisant, pour leurs seules activités d’assurance, environ 270 millions d’euros de revenus l’année dernière. Ensemble, ils pèsent autant que bien des groupes d’assurances au Maroc (voir tableau ci-contre)… Isolément, leurs chiffres d’affaires sont très proches, même si chacun diffère dans la manière d’y parvenir. Sunu détient le leadership dans l’assurance vie ; il représente 30 % du marché régional. NSIA domine l’assurance dommages, même s’il doit subir dans ce domaine la concurrence d’Axa, l’allié stratégique de Sunu. Colina, acteur traditionnel de l’assurance dommages, est de son côté devenu un poids lourd de l’assurance vie depuis qu’il a repris en 2001 la filiale ivoirienne de Groupama. En parallèle, ces groupes régionaux ont également su prouver leur capacité à séduire particuliers et entreprises. « Une grande entreprise regarde la qualité de l’assureur mais aussi celle de son réassureur, explique Vincent Le Guennou, vice-président d’ECP. Dans ce domaine, il n’y a pas de différence entre les groupes internationaux et les grands acteurs régionaux. »

Les trois leaders régionaux affichent des taux de croissance avoisinant les 15 % par an.

Dotés de solides réseaux de distribution, les trois leaders régionaux continuent à progresser fortement dans les deux segments, dommages et vie, affichant des taux de croissance avoisinant les 15 % par an. Sunu compte en tout près de 500 commerciaux proposant ses produits : parmi eux, 96 agents généraux, qui travaillent dans des agences physiques, et 400 agents commerciaux, qui démarchent les clients à domicile ou sur leur lieu de travail. « Les produits d’assurance vie se vendent surtout par les démarcheurs ou par la bancassurance, tandis que les agents généraux se spécialisent dans l’assurance dommages », explique Joël Amoussou, responsable de l’administration générale et des finances de Sunu. Dans l’assurance vie, le contact direct avec la clientèle des particuliers s’avère être un critère fondamental de succès. Progressivement, les assureurs se muent en annonceurs publicitaires dans les rues : à Abidjan, notamment, les affiches proposant des produits d’assurance ont fait leur apparition au cours des dernières années.

Prochaine étape : la bancassurance

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Dans l’assurance dommages, les leaders – NSIA, Colina, AGF et Axa – basent avant tout leurs développements commerciaux sur leurs réseaux étendus d’agents généraux et travaillent avec les grands courtiers comme Gras Savoye et Marsh & McLennan, qui dominent encore très nettement le marché de la distribution de l’assurance aux entreprises. Un marché à hauts risques, notamment parce qu’un seul grand compte peut représenter 5 % à 10 % du chiffre d’affaires total de l’activité… La prochaine étape que doit franchir le secteur de l’assurance dans la zone Cima est celle de la bancassurance, un canal de distribution qui est encore loin de jouer pleinement son rôle. Le problème est double : d’un côté, les banques peuvent, à un moment ou à un autre, se muer en concurrents en proposant leurs propres contrats d’assurances ; d’autre part, recourir aux banques impose de partager avec elles les commissions perçues sur les produits. Le premier problème n’est pas d’actualité : « Il n’y a guère que l’entrée de BMCE Bank dans Bank of Africa (BOA) qui puisse être un sujet d’inquiétude, explique un spécialiste. Le groupe bancaire marocain pourrait entraîner dans son sillage sa filiale, l’assureur RMA Watanya. » Le second problème est le plus aigu, et chacun tente d’y répondre à sa façon : si Sunu envisage ses partenaires bancaires comme un canal de distribution parmi d’autres, NSIA est allé plus loin en devenant propriétaire d’une banque, la BIAO-Côte d’Ivoire, rachetée en septembre 2006. Le groupe pourrait être le premier en 2009 à tester en Côte d’Ivoire, principal marché régional de l’assurance, le concept de la bancassurance. De son côté, Colina envisage une solution intermédiaire : « Notre logique est plutôt d’établir des protocoles commerciaux croisés avec des établissements bancaires actifs dans la banque de détail et dont la structure de portefeuille clients permet une croissance significative de l’ensemble de notre gamme de produits », explique Xavier Abouanou, directeur commercial synergie chez Colina Participations, holding du Groupe Colina.

À la différence des banques, l’assurance africaine n’a donc pas encore vécu son « big-bang ». La zone Cima compte encore 115 sociétés d’assurances. Plus des deux tiers sont actives dans l’assurance dommages, et donc dans l’incapacité de tenir tête au développement dans l’assurance vie des trois assureurs régionaux. Avant de passer à l’offensive, ces derniers attendent que le capital minimum requis pour exercer, aujourd’hui fixé à 1 milliard de F CFA (152 millions d’euros), soit relevé : la concentration du secteur sera alors inévitable. D’ici là, ils ne perdent pas de vue une nécessaire expansion territoriale. L’arrivée d’un nouvel actionnaire au capital de NSIA a notamment pour but de doper le développement géographique. « NSIA souhaite compléter sa présence dans la zone Cima et regarde également vers l’Afrique de l’Est », explique Vincent Le Guennou. Stratégie similaire chez Sunu, où Joël Amoussou avoue regarder vers le Ghana et la Mauritanie. « Dans le cadre du développement de nos activités, les marchés à faible taux de pénétration mais avec un potentiel économique fort, à l’instar de l’Algérie et l’Angola, sont notre priorité », ajoute de son côté Xavier Abouanou, de Colina.

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