Finance islamique : interdite de séjour ?

Elle représente 1 000 milliards de dollars à travers le monde. Et pourtant, la France a bien du mal à accepter cette manne.

Publié le 15 février 2010 Lecture : 2 minutes.

Pourquoi ne placez-vous pas votre épargne à la banque ? « Je préfère perdre de l’argent plutôt que mes convictions religieuses », répond Habib, ingénieur en informatique, qui vit très à l’aise en région parisienne avec sa femme, Yasmine, et sa fille. Installé en France depuis une vingtaine d’années, il a facilement trouvé du travail. Tout comme son épouse, voilée. Le couple gagne environ 8 000 euros par mois. Ils en transfèrent une partie vers leur pays d’origine, la Tunisie. Le reste, après avoir payé le loyer et les autres dépenses, est caché dans un coin de la maison. Le risque d’un vol ou d’un incendie ? C’est Allah qui en décidera », rétorque Yasmine.

Pourquoi ne sont-ils pas propriétaires de leur pavillon ? Car le Coran interdit la pratique de l’intérêt (interprétation excessive de riba, qui signifie « usure », une pratique largement répandue au VIIe siècle en Orient, avant la naissance de l’islam, et prohibée depuis en raison de son caractère injuste et immoral). Habib et Yasmine font partie des 55 % de musulmans vivant en France intéressés par la finance islamique (enquête Ifop). Placements, leasing, assurances… ces produits et cette pratique excluent, outre le taux d’intérêt, toute participation aux jeux d’argent et à la spéculation pure. L’argent ne doit pas produire directement de l’argent. Fruit du travail, il doit être investi.

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Croissance de 15 % par an

La finance islamique est devenue – grâce aux milliards de pétrodollars des pays du Golfe et à l’émergence de l’Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie) – une industrie à part entière dans le système bancaire international. Elle progresse au rythme de 15 % à 20 % par an et englobe un patrimoine d’actifs estimé à 1 000 milliards de dollars en 2010. Cela ne représente que 1 % de l’industrie financière mondiale, mais cette manne est gérée par 300 institutions réparties dans 75 pays. Chaque année, une vingtaine de banques voient le jour.

Et pas seulement dans les pays musulmans. La Grande-Bretagne en compte déjà cinq, dont la très active Islamic Bank of Britain (IBB) et l’European Islamic Investment Bank (EIIB). Plusieurs établissements américains et européens – dont les États n’ont pas franchi le cap, comme la France – utilisent leurs filiales en Malaisie et à Bahreïn pour offrir à leur clientèle un bon placement « halal ». Pour cela, les États ou les autorités monétaires doivent adapter leur réglementation afin d’éviter une double imposition sur les transactions. La banque achetant le produit qu’elle revend à son client, en droit normal, il lui faudrait donc payer des frais d’enregistrement à l’achat et à la revente.

C’est en essayant d’introduire cette modification dans le code civil que le gouvernement français s’est heurté, en septembre dernier, à l’opposition de certains députés socialistes (notamment Henri Emmanuelli). Le projet de loi a fini par être rejeté par le Conseil constitutionnel. La ministre de l’Économie, Christine Lagarde, soutenue par la Bourse de Paris et des fleurons industriels comme GDF Suez ou Renault-Nissan, a promis de revenir à la charge. Des investisseurs, notamment koweïtiens et qataris, n’attendent que cette ouverture pour inaugurer la première banque islamique « à la française ».

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