Tunisie : empire familial cherche repreneurs

Trabelsi, Materi, Mabrouk, Chiboub… Autant de puissants holdings tunisiens présents dans tous les secteurs d’activité et sur lesquels pèse la plus grande incertitude.

Julien_Clemencot

Publié le 26 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Dans le sillage de Zine el-Abidine Ben Ali, elles avaient fait main basse sur des pans entiers de l’économie nationale. Désormais, les familles proches de l’ex-président, au premier rang desquelles les Trabelsi, vont devoir rendre des comptes. Symbole de la révolte du peuple contre le népotisme : la mise à sac de leurs luxueuses villas, de leurs voitures, mais aussi de leurs entreprises. Presque tous réfugiés à l’étranger ou incarcérés, ils ont assisté, impuissants, à la chute de leur empire. Et ce n’est qu’un début. « Il s’agit maintenant de faire toute la lumière sur les agissements des proches de Ben Ali », souligne l’économiste tunisien Moncef Cheikhrouhou. Une mission que le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a confiée à Abdelfattah Amor, expert en droit international, qui présidera la commission d’enquête sur les affaires de malversation et de corruption.

Selon une étude de la Banque mondiale, les agissements des « familles » proches du pouvoir auraient coûté jusqu’à deux points de croissance au pays. C’est Belhassen Trabelsi, frère aîné de l’ex-première dame, Leïla Ben Ali, qui personnifie le mieux cette emprise clanique sur le pays puisqu’on le retrouve dans plusieurs secteurs d’activité : finance (Banque de Tunisie), aérien (Karthago Airlines), tourisme (Karthago Travel Service et Karthago Hôtels), automobile (distribution des marques Ford, Jaguar, Land Rover…), agriculture, immobilier (complexe de Sidi Bou Saïd…), nouvelles technologies (Global Telecom Networking), assurances (Upcar) et audiovisuel (Mosaïque FM et Cactus Productions).

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Nationalisations temporaires

Quant à Sakhr el-Materi, gendre de l’ex-président, il était à la tête du groupe Princesse Holding (17 sociétés), qui a enregistré, en 2009, 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce quasi-autodidacte (il aurait tout de même un BTS) a démarré son ascension spectaculaire en achetant 17 % de la Banque du Sud au moment de sa privatisation. Une intuition – délit d’initié disent les spécialistes – qui lui a rapporté plusieurs millions d’euros lors de la revente de ses parts au holding formé par Attijariwafa Bank et Banco Santander.

Autre acteur du système, Marwan Mabrouk, dont la prospérité, il faut le préciser, est antérieure à l’arrivée au pouvoir de Ben Ali, mais qui a donné un nouvel élan à ses affaires grâce au soutien du pouvoir. Il a notamment développé ses activités dans les domaines des télécoms avec 51 % d’Orange Tunisie, de la distribution avec l’enseigne Géant, et de la banque avec la Biat.

Alors que la Tunisie tente avant tout de réussir sa transition démocratique, « rassurer les investisseurs va aussi devenir une priorité », s’inquiète un patron de fonds d’investissement. De fait, le 19 janvier, l’agence Moody’s a dégradé la note du pays et celle de la Banque centrale de Tunisie (BCT) en raison de l’instabilité politique de même que Standard & Poor’s. Une grande incertitude plane sur le devenir des holdings Trabelsi, Materi, Mabrouk ou encore Chiboub. Lors du premier Conseil des ministres, le nouveau gouvernement a annoncé le 20 janvier que l’État allait récupérer des actifs, sans préciser lesquels. « Contraints par la famille de l’ex-président de céder leurs entreprises, les anciens propriétaires spoliés peuvent espérer récupérer leurs biens », explique l’avocat Ali Khaldi.

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Quant aux groupes montés de toutes pièces par le clan, « rien n’est décidé, mais on pourrait se diriger après enquête vers une nationalisation temporaire », avance Moncef Cheikhrouhou. D’autant qu’il faut également tout faire pour préserver des milliers d’emplois, alors que 140 000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail. En proie à une crise de confiance, la banque Zitouna, majoritairement détenue par Sakhr el-Materi, a quant à elle déjà été placée sous le contrôle d’un administrateur, son propre directeur général, nommé par la BCT.

Les licences et les activités d’importants partenaires étrangers pourraient-elles être remises en question ? « Non, se risque Mondher Khanfir, patron de la Chambre de commerce tuniso-américaine, le pays ne peut pas se le permettre. » La crainte des milieux d’affaires tunisiens est que, face au spectre de l’islamisme, les investisseurs et les touristes occidentaux ne se détournent du pays. « Après la baisse enregistrée avant sa fermeture, le 17 janvier, la Bourse va à terme attirer de nouveaux investisseurs. La Tunisie est plus que jamais attractive », se rassurent quelques opérateurs économiques contactés. Sans doute font-ils allusion aux participations détenues par la famille Ben Ali, qui pourraient être remises sur le marché. Autant d’opportunités pour tourner la page du népotisme économique.

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