Drame économico-judiciaire pour les banques nigérianes
La Banque centrale du Nigeria a lancé une enquête concernant des opérations bancaires douteuses. Résultat : des perquisitions et trois dirigeants de banque auditionnés.
Le mouvement signale une escalade dans la répression de la corruption menée par le président Muhammadu Buhari, élu il y a un an pour réparer l’économie d’un pays où la plupart des Nigérians vivent dans la pauvreté en dépit de son énorme richesse énergétique.
Mais les analystes disent que l’enquête qui a vu trois directeurs généraux de banques arrêtés dans leurs bureaux est un coup porté à un secteur déjà ébranlé par l’effondrement des recettes pétrolières et la pire crise économique connu depuis des décennies. « C’est un choc pour la confiance dans le secteur bancaire. Ils devraient avoir mené cette enquête plus discrètement plutôt que d’arrêter les DG dans leurs bureaux », a déclaré Bismark Rewane, dirigeant de la société de conseil Financial Derivatives, basée à Lagos.
Selon des sources bancaires, la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC) a enquêté sur plusieurs banques susceptibles d’avoir effectué des transactions potentiellement illégales – dans le cadre de l’élection présidentielle de 2015 – visant à soutenir alors le président Goodluck Jonathan, qui a finalement perdu face à Buhari.
La corruption a augmenté sous Jonathan, mais ses partisans rejettent les accusations de Buhari prétendant que le gouvernement de Jonathan a pillé les comptes publics et reprochent à Buhari, ancien dirigeant militaire, de mener une chasse aux sorcières.
Ils devraient avoir mené cette enquête plus discrètement plutôt que d’arrêter les PDG dans leurs bureaux.
Selon la Banque centrale, l’enquête a pour objectif de déterminer « l’étendue et les personnes qui peuvent être impliqués dans de telles activités ». Elle n’a donné aucun détail, mais a déclaré que le secteur bancaire est resté solide et a décrit les opérations en question comme « isolées ».
115 millions de dollars
L’EFCC a déclaré la semaine dernière avoir obtenu une ordonnance judiciaire pour arrêter le directeur général de Fidelity Bank, Nnamdi Okonkwo, et lui poser des questions. Selon un responsable de la banque, il a été libéré vendredi. Des médias nigérians, y compris The Premium Times, citant des sources anonymes, ont déclaré qu’Okonkwo avait été arrêté pour avoir supposément reçu 115 millions de dollars de la part du ministre du Pétrole de Jonathan, Diezani Alison-Madueke. L’avocat de Alison-Madueke n’était immédiatement disponible pour commenter.
L’ex ministre est sous le coup d’une enquête pour corruption et blanchiment d’argent et a été interrogé par la police de Londres en octobre dernier. Alison-Madueke est encore en Grande-Bretagne dans le cadre de soins contre le cancer, selon son avocat.
Suite à cette arrestation, Fidelity a nommé un directeur général par intérim et a coopéré à l’enquête, en disant toutes ses transactions avaient été signalés aux organismes de réglementation. La banque s’est refusé à tout autre commentaire.
Sterling Bank, une autre banque, a déclaré sur son site internet que les agents de l’EFCC ont interrogé son directeur général Yemi Adeola et d’autres membres de l’équipe de direction.
Une troisième banque, Access Bank, a déclaré que des agents sont venus chez elle vendredi pour enquêter sur une transaction impliquant un client de la banque et ont interrogé son directeur général, Herbert Wigwe, dans les bureaux de l’EEFC. « Il a été libéré sans inculpation le même jour, » a indiqué la banque dans un communiqué. Un responsable de l’EFCC, demandant à ne pas être nommé, a déclaré que l’enquête était en cours et a refusé de donner de plus amples détails.
Performances en berne
Pour les banques dans la plus grande économie de l’Afrique, l’enquête ne pouvait pas arriver à un pire moment alors plusieurs institutions ont récemment fait état de performances en chute, les créances douteuses se sont multipliant en raison de l’exposition bancaire à l’industrie pétrolière en difficulté. Certaines repensent actuellement leurs modèles économiques.
Les banques ont également été touchées par la décision de Buhari de geler le taux de change du naira, la monnaie nigériane, ce qui a rendu les investisseurs réticents à verser de l’argent dans le pays d’Afrique de l’Ouest -ils s’attendent en effet à une dévaluation en raison de la perte de revenus pétroliers. Une partie de l’activité de change s’est déplacé vers le marché parallèle, les banques étant à court de dollars.
Interrogatoire
Cet article est une traduction d’un article publié par The Africa Report, publication en anglais du groupe Jeune Afrique.
Vous pouvez lire ici l’article original en anglais
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