Victor Stéphane Essaga : « L’Afrique centrale, théâtre principal des conflits pétroliers »
Directeur exécutif du Centre africain de recherche sur les politiques énergétiques et minières, basé en France. Représentant Afrique de l’Association internationale des négociateurs pétroliers.
Jeune Afrique : Existe-t-il une recrudescence des conflits entre États dus au pétrole ?
Victor Stéphane Essaga : Sur 1 200 km de frontières qui ont été la cause de conflits, 175 km l’ont été en raison du pétrole. Son caractère conflictogène est lié à l’intérêt grandissant pour des zones anciennement moins convoitées, la volonté légitime des États de conjurer la baisse de leur production (Gabon, Congo), de contenir la faiblesse des niveaux de production (Cameroun, Côte d’Ivoire, RD Congo), ou de consolider des positions de leader (Angola, Nigeria et Guinée équatoriale).
Quelles sont les grandes zones de conflits ?
L’Afrique centrale, précisément le croissant constitué par le golfe de Guinée, en est le théâtre principal. Du point de vue des ressources naturelles, elle est la région la plus riche et justifie sa place permanente de zone pétro-conflictuelle.
Comment régler ces litiges frontaliers ?
Leur résolution fait appel à des mécanismes de droit international classique pour tout litige interétatique et au pragmatisme géoéconomique. Au plan juridique, les mécanismes sont énumérés par l’article 33 de la Charte des Nations unies, qui cite d’abord la négociation entre États – peu fructueuse en Afrique. Ensuite, il y a la médiation, quasi systématique dans les pétroconflits africains. Et enfin, la conciliation, l’arbitrage international et la soumission du litige à la Cour de justice internationale. Ces mécanismes débouchent parfois sur l’établissement d’une zone de développement conjoint (Joint Development Zone, JDZ).
Quels en sont les avantages ?
Dans une logique de jeu « gagnant-gagnant », bien connue des économistes, les États décident souvent d’exploiter ensemble les ressources naturelles disponibles. Les exemples positifs africains sont la JDZ entre l’Angola et le Congo-Brazzaville en décembre 2001, et entre le Nigeria et São Tomé plus récemment. Finalement, ces conflits sont souvent l’occasion paradoxale de raffermir les liens de coopération indispensables entre les États. Les égoïsmes nationaux s’arrêtent devant les impératifs de production, d’exploitation et de jouissance de ces ressources.
Quel rôle jouent les sociétés pétrolières dans ces conflits territoriaux ?
Plus outillées que les États pour évaluer les ressources, elles sont presque toujours des vecteurs indirects, en tant que source d’information prospective et sur la rentabilité des champs explorés. C’est l’annonce de l’importante découverte du champ Dzata par Lukoil et Vanco dans le golfe de Guinée qui a déclenché l’incident diplomatique entre la Côte d’Ivoire et le Ghana.
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