Liberia : Sable Mining a tout essayé pour le gisement de Wologozi
Sur la base de documents internes à Sable Mining, récupérés par Global Witness et transmis à « Jeune Afrique », l’ONG estime que l’entreprise minière britannique se serait affranchie de bien des règles pour tenter d’obtenir l’alléchant gisement de fer de Wologozi, au Liberia. En vain.
L’aventure ambiguë du britannique Sable Mining en Guinée et au Liberia
Dans un rapport consulté par « Jeune Afrique », l’ONG Global Witness analyse les activités de Sable Mining, une compagnie minière active en Afrique, fondée par les Britanniques Phil Edmonds et Andrew Groves. Et dénonce les méthodes peu orthodoxes utilisées par ces derniers au Liberia, en Guinée et même à Londres.
Quand Sable Mining a jeté son dévolu sur les gisements de fer du Liberia, début 2010, il n’en restait plus qu’un seul véritablement attractif : celui des Monts Wologozi (dans le nord-ouest du pays) devenu l’obsession d’Andrew Groves, le directeur général de la compagnie. Problème : pour obtenir la licence d’exploration, Sable mining devait passer par un appel d’offres, tel que prescrit par la réglementation libérienne.
Pour contourner cette obligation, Varney Sherman – avocat politiquement bien connecté et intermédiaire de Sable Mining dans le pays – a, selon l’ONG Global Witness, dressé une liste de personnes à contacter et suborner pour modifier les règles du jeu, et rendre possible l’octroi de Wologozi de gré à gré.
Selon des documents internes à l’entreprise, récupérés par Global Witness et transmis à Jeune Afrique, 50 000 dollars auraient été notamment versés à Richard Tolbert, le dirigeant de la Commission nationale d’investissement, 50 000 dollars à Morris Saytumah, ministre d’État aux Finances et aux Affaires légales, 10 000 dollars à Willie Belleh, président de la Commission des achats et concessions, et même 200 000 dollars comme contribution au Unity Party (au pouvoir), pour l’organisation de sa convention en avril 2010.
Global Witness soupçonne également un versement de 75 000 dollars au « speaker » de la chambre basse du parlement libérien, Alex Tyler, identifié comme « Tyler » dans un document qui a fuité.
Joints par Global Witness, Tolbert et Belleh démentent avoir reçu tout pot de vin. Quant à Saytumah et Tyler, ils n’ont pas répondu aux lettres de l’ONG remises en mains propres.
Toujours selon les documents récupérés par Global Witness, Sable Mining et son patron au Liberia à l’époque, auraient également offert plusieurs cadeaux à Fombah Sirleaf, le beau-fils de la présidente Sirleaf et chef de la sécurité nationale, dont un voyage de chasse tout frais payés en Afrique du Sud, d’une valeur de 6 532 dollars.
Des accusations contestées par les dirigeants de Global Witness
Ces allégations de corruption sont vigoureusement niées par les dirigeants de Sable Mining de l’époque, Phil Edmonds et Andrew Groves, ainsi que l’actuel directeur général de la compagnie Jim Cochrane, que Jeune Afrique a tenté sans succès de joindre.
Ces trois derniers ont répondu par courrier aux accusations de Global Witness, mettant en doute les sources des informations de l’ONG (restées anonymes), en conflit avec eux, et rejetant les éventuelles fautes sur leur ancien représentant dans le pays sur Heine van Niekerk, démis de ses fonctions.
Ils arguent également d’une refonte du contrôle financier et de la mise en place de procédures très strictes à partir de 2011.
De son côté, le porte-parole du gouvernement libérien Eugene Lenn Nagbe, ministre de l’Information, se dit « très attentif » aux accusations portées par Global Witness et fait savoir qu’il examinera avec toute l’attention requise les éléments apportés par l’ONG sur des faits de corruption. Mais tient à se dissocier de toute responsabilité. « Le gouvernement libérien n’a pas de près ou de loin, initié ou participé à des opérations de corruption en collaboration avec Sable Mining en vue de l’obtention des permis des Monts Wologozi », indique-t-il dans un email à Global Witness.
Reste que même si le gisement de Wologozi ne fut finalement pas accordé à Sable Mining par le Liberia (il n’a récupéré que des gisements moins attractifs), les indices de malversations sont frappants : Wologozi a été étonnamment réintégré parmi les concessions pouvant être octroyées de gré à gré après un changement de la réglementation applicable, ratifiée en septembre 2010 par le parlement.
Ce dernier dominé par le parti au pouvoir UP, dirigé à partir d’avril 2010 par Varney Sherman, l’avocat de Sable Mining au Liberia, devenu Secrétaire général après la démission pour le moins curieuse du candidat élu Henry Farnbulley, accusé également par Global Witness d’avoir reçu un pot de vin.
Et Sable Mining a obtenu un permis d’exportation de son fer guinéen en 2015 à travers le Liberia, autorisation qui n’avait jusqu’alors été octroyée à personne.
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L’aventure ambiguë du britannique Sable Mining en Guinée et au Liberia
Dans un rapport consulté par « Jeune Afrique », l’ONG Global Witness analyse les activités de Sable Mining, une compagnie minière active en Afrique, fondée par les Britanniques Phil Edmonds et Andrew Groves. Et dénonce les méthodes peu orthodoxes utilisées par ces derniers au Liberia, en Guinée et même à Londres.
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