Start-up africaine de la semaine : Evaptainers, le frigo sans électricité à l’essai au Maroc
Cet été trois cent familles marocaines testeront le produit. À moyen terme, l’objectif est de distribuer dans d’autres pays d’Afrique ce réfrigérateur portable destiné aux petits cultivateurs ou aux foyers non raccordés au réseau électrique, et d’éviter les gâchis alimentaires.
L’aventure a commencé par un challenge lancé par un prof du MIT, la célèbre université de la côte est nord-américaine, à ses étudiants. « Trouvez une idée qui puisse aider un milliard de personnes. »
L’un d’eux, Quang Truong, qui a une formation académique en développement international et plusieurs expériences de terrain au Liberia, en Haïti et au Vietnam, façonne l’« Evaptainer ». Il s’agit d’un réfrigérateur portatif sans électricité qui maintient les aliments au frais, en abaissant la température de 15 à 20°C par rapport à l’environnement extérieur, grâce au processus d’évaporation de l’eau.
Implantation à Rabat
Plus d’un an plus tard, Quang Truong, Spencer Taylor et Jeremy Fryer-Biggs, tous les trois Américains, se sont associés à la tête d’une start-up, établie en 2015. Son but est de commercialiser ces sortes de glacières inspirées d’un système très ancien utilisé sur le continent : le « zeer pot », ou réfrigérateur du désert, dont on trouve trace jusque dans l’Égypte ancienne.
La société a un pied à Boston, et l’autre au Maroc, où elle est arrivée l’an dernier. Ses sept salariés et son stagiaire se sont installés à quelques pas des murailles de Rabat dans les locaux du Dare space, un incubateur lancé par le Cluster industriel pour les services environnementaux.
« Un des amis étudiant au MIT m’a parlé du plan Maroc Vert, se souvient Quang Truong, et m’a dit que le projet y trouverait parfaitement sa place. » En plus de cet ambitieux plan national de valorisation de l’agriculture, le développement durable et les énergies propres ont le vent en poupe dans le royaume.
Potentiel africain
Dans ce contexte, l’« Evaptainer » a une carte à jouer, surtout sur un continent en déficit structurel d’électricité.
« Au Maroc, on compte environ un million de familles qui vivent sans électricité et donc sans frigidaire », estime Yassine Maghnouj, en charge du marketing, qui a récemment représenté la société à Medellin en Colombie. Evaptainers y a remporté la deuxième place du « Future Agro Challenge », un concours international d’innovations dans le domaine de l’agroalimentaire.
Au Maroc, plusieurs institutions ont misé sur cette innovation : l’Institut national de la recherche agronomique s’est associé scientifiquement à la TPE, alors que l’institut agronomique et vétérinaire Hassan II les invitent à représenter le Maroc en Italie fin mai, à l’occasion du Med-Spring, un forum international qui permet à des start-up d’entrer en contact avec des mentors ou des entrepreneurs.
Idem outre-Atlantique, où la start-up peut s’enorgueillir de récompenses nombreuses (Great Energy Challenge Grant, l’USAID… ) qui lui assure un fonds de trésorerie bien utile au moment de se lancer — pas moins de 300 000 dollars ces trois derniers mois.
Dans le royaume chérifien, le produit est pour l’heure testé par un minuscule échantillon de cinq famille. Mais un test grandeur nature dans trois régions du Maroc avec 300 foyers est planifié pour l’été.
Un produit encore cher au Maroc
« Environ 40% des aliments se dégradent avant que l’on puisse les manger, commente Jeremy Fryer-Biggs. L’enjeu est de pouvoir faire parvenir la nourriture jusqu’au consommateur avant qu’elle ne se gâte. » Par exemple, la conservation d’une tomate peut être prolongée de 2 à 20 jours.
Même si la société ne chiffre pas encore ses objectifs de distribution, le Maroc sera la tête de pont de son développement africain et international. Le Nigeria est le premier marché africain que les associés ont dans le viseur.
Côte logistique et fourniture, certaines pièces pourraient être fabriquées aux États-Unis, d’autres en Chine ou au Maroc, où l’assemblage final aura lieu. Gros avantage du « zeer pot » maroco-américain vis-à-vis de la plupart de ses concurrents traditionnels en terre cuite ou en argile : sa composition textile à base de polyester et d’hydrogel, qui le rend beaucoup plus facilement transportable et reproductible de façon industrielle. Et une contenance de 60 litres qui est deux fois supérieure à la moyenne des « zeer pot », disent les fondateurs.
Le revers de la médaille est le prix final de vente estimé : il atteint pour l’heure 300 dirhams au Maroc (environ 27 euros), en moyenne deux fois plus que les modèles traditionnels.
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