Le grand bond en arrière
D’un côté, le Sénégal (référendum constitutionnel) et le Bénin (élection présidentielle avec alternance). Transparence des scrutins, débats ouverts et résultats acceptés. De l’autre, une séquence électorale qui ne valide guère les progrès démocratiques précédents (Nigeria ou Burkina, par exemple).
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 16 mai 2016 Lecture : 2 minutes.
Du Niger au Congo en passant par le Tchad, Djibouti ou l’Ouganda, pas vraiment de quoi pavoiser. Pêle-mêle : arrestations d’opposants ou de membres de la société civile (souvent très politisés, mais est-ce un crime ?) sur des bases on ne peut plus floues ou sans jugement, intimidations grossières, opérations militaires ou policières, interdiction des manifestations publiques et coupure des télécommunications, voire des réseaux sociaux…
Des chefs usés mais rusés
Que penser d’un tel retour en arrière ? L’origine de la plupart de ces raidissements se trouve peut-être à Ouaga. Si beaucoup ont trop rapidement imaginé que la « révolution » burkinabè essaimerait partout où des chefs usés tenteraient de jouer les prolongations comme le supposé indéboulonnable Blaise Compaoré, il est indéniable que bon nombre de ces derniers ont senti le vent du boulet.
Chat échaudé craignant l’eau froide, ils se sont dit qu’ils devaient tout verrouiller pour demeurer en place. Blaise a sous-estimé l’adversité, eux ont choisi de mettre tous les atouts de leur côté.
Les présidents jouent tous un rôle utile pour la France
Autre paramètre d’importance : l’environnement extérieur. Les présidents cités se seraient-ils permis de tels écarts s’ils avaient été mis sous pression par la communauté internationale, comme la RD Congo l’est aujourd’hui, par exemple ?
Évidemment, non : tous jouent un rôle « utile », notamment pour la France, dans leurs régions troublées (Sahel, Centrafrique, Corne de l’Afrique), notamment dans la lutte contre le terrorisme, car tous incarnent, aux yeux d’Occidentaux obnubilés depuis les printemps arabes par la stabilité et la défense acharnée de leurs propres intérêts, la « moins mauvaise solution » en attendant d’y voir plus clair sur des successions qui ressemblent fort au triangle des Bermudes.
Comprenez que si, ici ou là, un opposant crédible, légitime, représentatif et rassurant avait existé, comme l’Ivoirien Alassane Ouattara en 2010 et contrairement au Congolais Étienne Tshisekedi en 2011, les scénarios auraient pu être radicalement différents.
Des sociétés nouvelles
Dernier élément, et non des moindres, ces chefs ont désormais face à eux non plus des opposants faibles, sans moyens, corruptibles ou trop marqués par un long compagnonnage avec ceux qu’ils vouent désormais aux gémonies pour incarner une quelconque rupture, mais des opinions publiques qui ont considérablement évolué dans un laps de temps très court, métamorphose qui correspond à celle des sociétés africaines.
Partout en Afrique, la pression, sociale, économique, démographique, monte.
En première ligne, une jeunesse mieux scolarisée, plus politisée, désœuvrée mais connectée, qui peine à supporter aujourd’hui ce que ses parents acceptaient hier. Confrontés à cette nouvelle menace, à laquelle ils ne sont pas habitués, nos chefs, dépassés, ne savent guère comment s’y prendre, si ce n’est en recourant aux bonnes vieilles méthodes, pas vraiment subtiles – la chicote, l’utilisation dévoyée de l’appareil judiciaire (exemple le plus récent : les démêlés de Moïse Katumbi), le black-out des communications, l’argent -, en des temps qui y sont pourtant de moins en moins propices.
Aujourd’hui, cela fonctionne. Mais pour combien de temps encore ? La pression, sociale, économique, démographique, monte. Partout en Afrique. Les peuples se montrent chaque jour plus exigeants. À tel point qu’il semble inéluctable, si rien ne change, que la cocotte-minute finisse hélas par exploser…
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