À São Tomé, Agripalma marche sur des œufs
Dans le sud-ouest de l’île de São Tomé, la co-entreprise entre l’État santoméen et le groupe luxembourgeois Socfin ressuscite la culture du palmier à l’huile. Face à l’inquiétude légitime des écologistes, qui surveillent de près le développement du projet, la superficie plantée est limitée et les pratiques raisonnées. Objectif : alimenter le marché local et réduire, enfin, les importations.
Ici pas de plantations à perte de vue. Le relief ne s’y prête pas. Au milieu des essences indigènes, tels de petits patchworks cousus main sur les collines du sud de São Tomé, les jeunes palmiers à huile d’Agripalma, tout droit sortis de la pépinière, ressemblent à de gros choux verts. C’est en 2013 que la co-entreprise entre l’État santoméen (12 % du capital) et le groupe luxembourgeois Société financière des caoutchoucs (Socfin, 88 %), a finalisé la signature du contrat de concession de vingt-cinq ans l’autorisant à planter et exploiter près de 5 000 hectares de palmeraie au sud-est du parc national d’Obô et de sa forêt de Monte Carmo, dans le district de Caué, le plus grand mais aussi le plus pauvre de São Tomé.
La concession comprend un site près de Ribeira Peixe, où sont également installés la pépinière et les bureaux de l’entreprise, l’autre près de Porto Alegre, à la pointe sud de l’île. L’endroit est idéal pour cultiver le palmier à huile et assurer des rendements exceptionnels, similaires à ceux obtenus en Indonésie et en Malaisie. « Il n’y a aucun déficit hydrique, les sols volcaniques sont très riches et le rayonnement solaire permanent. Les rendements sont de 6 tonnes par an à l’hectare », explique Guillaume Taufflieb, directeur des plantations.
Une superficie encore modeste
Depuis 2011, Agripalma a déjà replanté 2 100 ha. Un investissement de 13 millions d’euros. Les palmiers ne commençant à donner leurs premiers régimes qu’au bout de trois ans, la production est encore modeste. L’entreprise a conclu des partenariats avec une quarantaine de planteurs, regroupés en coopérative. La superficie de leurs exploitations varie de 2 à 5 ha, sur lesquels ils pratiquent la polyculture, associant le palmier à huile notamment aux agrumes. « Nous leur fournissons des semences, des engrais et, en échange, ils nous livrent des régimes, poursuit Guillaume Taufflieb. D’ici la fin de l’année, leurs plantations devraient couvrir environ 100 ha. Notre souhait est qu’elles fournissent environ 20 % de la production d’Agripalma. »
Pour l’heure, l’entreprise n’envisage par d’étendre la superficie plantée. Son prochain investissement porte sur la construction d’une usine de pressage. Le projet a pris du retard, mais l’unité devrait être opérationnelle en 2017. Elle permettra de produire 12 500 t/an d’huile de palme brute, dont près de la moitié sera commercialisée sur le marché local. Une priorité puisque, pour le moment, l’archipel importe la quasi-totalité sa consommation. Les 6 500 t restantes seront exportées.
Aucune raffinerie industrielle
Hormis quelques unités artisanales, qui fabriquent de petites quantités d’huile alimentaire et de savon, l’île n’a plus de raffinerie industrielle depuis des décennies, alors qu’à l’époque coloniale, chaque roça disposait d’une huilerie. Développée sur l’île dès le début du XIXe siècle, la culture du palmier à huile a décliné à partir de la fin des années 1980. Ribeira Peixe, le village à partir duquel Agripalma redéveloppe la filière, est d’ailleurs appelé couramment Emolve, du nom de l’ancienne société qui, au lendemain de l’indépendance, y avait planté 650 ha de et construit une raffinerie.
Bien évidemment, dès le début des négociations entre Agripalma et l’État santoméen, en 2009, le projet de relance de l’huile de palme a rencontré des résistances de la part d’agriculteurs locaux et d’ONG écologistes, compte tenu des ravages causés par la filière, notamment en Malaisie, où des millions d’hectares de forêt ont disparu. Agripalma, qui dû renoncer aux 1 000 ha qu’elle visait à Sundy, dans le nord de l’île de Príncipe, se défend de porter atteinte à l’environnement. « Il n’y avait pas de forêts dans la zone où l’on devait planter. Par ailleurs, nous utilisons peu d’intrants, en tout cas pas de fongicides ni de pesticides. Et l’usine de transformation d’huile brute produira sa propre énergie, à base de biomasse extraite des régimes », rappelle Taufflieb.
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