Islam et héritage : la Tunisie face à ses contradictions

Premier pays musulman à avoir consacré l’égalité en droits et en devoirs des hommes et des femmes, avec les article 21 et 46 de sa Constitution de 2014, la Tunisie se penche sur la question de l’héritage.

Des Tunisiennes voilées du drapeau national prient devant la mosquée Zitouna, à Tunis, le 8 août 2013. © Hassene Dridi / AP / SIPA

Des Tunisiennes voilées du drapeau national prient devant la mosquée Zitouna, à Tunis, le 8 août 2013. © Hassene Dridi / AP / SIPA

Publié le 17 mai 2016 Lecture : 2 minutes.

Depuis la promulgation du Code du statut personnel (CSP) en 1956, qui leur confère les droits les plus larges, les Tunisiennes ont une situation enviable dans le monde arabe. L’adhésion sans réserve du gouvernement tunisien à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), en 2014, ainsi que l’élaboration de la nouvelle Constitution semblaient consolider cette avancée.

Dans la pratique, malgré l’affirmation et le rôle actif des femmes à tous les niveaux de la société, la tradition s’oppose encore à la réforme de l’héritage, seul point que Bourguiba n’a pu modifier en 1956. Concrètement, la femme, quelle que soit sa condition, hérite, toujours et uniquement, de la moitié de la part d’un homme.

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La proposition de réviser la loi, émise le 4 mai par le député Mehdi Ben Gharbia de l’Alliance démocratique, divise à nouveau un pays qui affiche son conservatisme. Les élus du parti islamiste Ennahdha, dont Yamina Zoghlami, estiment que cette initiative va semer la discorde alors que le pays est encore fragile. Ils sont rejoints par les groupes parlementaires démocrates du Front populaire et d’Al-Horra qui soutiennent que le moment n’est pas propice à ce débat.

47 % de citoyens favorables à la réforme

Pour Othman Battikh, mufti de la République, « le Coran ne laisse place à aucune interprétation », tandis que le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Khalil, affirme que « les hommes vont être lésés » si l’on change la loi. Cependant, c’est avec le soutien de 47 % des citoyens, favorables à la réforme de la loi, et de 58 % qui considèrent cette inégalité comme une injustice à l’encontre de la femme, selon un récent sondage, qu’un pan de la société civile ainsi que l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), qui avait fait de l’héritage son cheval de bataille depuis longtemps, expriment de leur côté leur soutien au projet de loi qui sera probablement débattu à la rentrée parlementaire de septembre.

La Constitution affirmant que les hommes et les femmes sont égaux, la loi sur l’héritage est devenue de facto inconstitutionnelle

« J’invite les politiques à mettre fin à cette injustice en ôtant l’habillage idéologique et religieux de cette question », dit Khadija Chérif de l’ATFD. De fait, la Constitution affirmant que les hommes et les femmes sont égaux, la loi sur l’héritage est devenue de facto inconstitutionnelle.

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Le texte que défend Ben Gharbia laisse toutefois le choix aux héritiers de définir l’ordre successoral et de s’accorder sur le partage des biens et avoirs entre héritiers. Mais à défaut de consensus, il reviendrait à l’État d’intervenir pour imposer l’égalité. Dans les faits, de nombreuses familles ayant un certain niveau d’instruction s’organisent et anticipent la question de la succession par des donations du vivant et des transferts de propriété. Mais souvent, les femmes en milieu rural, de couches sociales plus modestes, subissent encore de plein fouet une inégalité qui les laisse sous tutelle de l’homme.

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