Pollution en Inde : Modi, pourquoi tu tousses ?
Le pays est le troisième émetteur de gaz à effet de serre. Son Premier ministre veut bien s’engager à promouvoir les énergies vertes, mais pas à réduire les émissions de CO2. Priorité au développement !
Des paysages lunaires… Des mines à ciel ouvert comme autant de plaies béantes… Des montagnes de scories exhalant un air corrompu… Ce sont les images qui viennent spontanément à l’esprit quand on évoque la pollution en Inde. Ici, la fièvre du charbon n’est toujours pas retombée. Il est vrai que cette énergie fossile ultrapolluante assure 60 % de la production d’électricité du pays.
Dans un tel contexte, les déclarations de Narendra Modi à l’occasion de la venue de Barack Obama lors des célébrations du Republic Day ont fait l’effet d’un souffle d’air frais. "Pour Barack Obama et moi, les énergies propres et renouvelables constituent une priorité, a estimé le Premier ministre. Résolus l’un et l’autre à y recourir le plus souvent possible, nous nous sommes mis d’accord pour améliorer notre partenariat."
Les États-Unis se sont engagés à apporter une aide technique et financière qui permettra à l’Inde de multiplier par deux (de 6 % à 12 %) dans un délai de cinq ans la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Dans le solaire notamment, le sous-continent vise désormais une capacité installée de 100 gigawatts (GW) d’ici à 2022, contre 3 GW actuellement. Un programme ambitieux qui nécessite un investissement de 87 milliards d’euros.
Sera-ce suffisant ? Faut-il y voir le signe d’un tournant dans la politique énergétique de l’Inde ? Bien que positive, la coopération avec l’Amérique est jugée par beaucoup restrictive au regard des enjeux de la conférence Paris Climat 2015, en décembre. Obama souhaitait un accord comparable à celui conclu avec la Chine en novembre 2014. Celui-ci aurait fait à l’Inde obligation de limiter dans le temps ses émissions de CO2. Mais New Delhi s’y est refusé.
"Il est regrettable que les deux pays n’aient pu s’entendre sur un agenda commun et se fixer des objectifs clairs pour réduire la pollution de l’air et de l’eau, explique Rajnish Wadehra, consultant chez Observer Research Foundation. Mais cela s’explique. L’Inde a un objectif bien plus pressant : son développement économique."
Troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre
Près de 300 millions d’Indiens n’ont toujours pas accès à l’électricité, et les besoins devraient doubler d’ici à 2020 si les prévisions de croissance – 8 % au cours des vingt-cinq prochaines années – sont tenues. Résultat : "Tant que le nucléaire et les énergies renouvelables ne couvriront pas la totalité des besoins, il ne faut pas s’attendre à une baisse de la production et de la consommation du charbon au cours des dix prochaines années", prévient Rajendra Shende, président de l’ONG Terre Policy Centre.
Pour sa défense, l’Inde estime ne pas avoir de leçons à recevoir de pays beaucoup plus pollueurs qu’elle. La consommation d’énergie d’un Indien est au moins quatre fois inférieure à celle d’un Chinois. L’Inde est certes le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, derrière la Chine et les États-Unis, mais ses émissions rapportées au nombre de ses habitants sont encore nettement inférieures : 2 tonnes de CO2 par habitant et par an, contre 8 tonnes pour la Chine.
Reste que les dérèglements climatiques sont bien davantage qu’une menace pour le futur. Ils sont une réalité d’ores et déjà observable : inondations, glissements de terrain (au Maharashtra, en Uttarakhand), cyclones (sur la côte orientale), moussons irrégulières et décalées, fonte des glaciers himalayens… Selon la communauté scientifique, l’Inde risque d’être l’un des pays les plus affectés par ces évolutions, à commencer par la montée du niveau de la mer.
Ce phénomène pourrait provoquer d’ici à 2050 la migration vers l’intérieur du pays de quelque 37 millions d’habitants des zones côtières. Modi en est conscient : "Quand on pense aux générations futures et au monde que nous allons leur laisser, il y a urgence, dit-il. Le réchauffement climatique exerce sur nous une énorme pression." Une chose est de le dire, une autre est d’agir en conséquence.
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