Togo – Agbéyomé Kodjo : « Recourir à la rue pour exiger des réformes est contre-productif »

Mis en cause puis innocenté dans l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara, l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo a pris ses distances avec l’opposition « radicale » depuis 2014. Pour adopter une posture beaucoup plus conciliante avec le pouvoir de Faure Gnassingbé. Interview.

Agbeyome Kodjo, ancien Premier ministre du président Eyadema, en mars 2010 à Lomé. © Vincent Fournier / J.A.

Agbeyome Kodjo, ancien Premier ministre du président Eyadema, en mars 2010 à Lomé. © Vincent Fournier / J.A.

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Publié le 26 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

L’opposant et ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo a bénéficié le 9 mai d’une ordonnance de non lieu dans l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara, pour laquelle il avait été placé 40 jours en détention. Pour Jeune Afrique, il revient sur ses relations avec l’opposition et avec le pouvoir et s’exprime sur les questions des réformes politiques et du processus de décentralisation en cours au Togo.

Jeune Afrique : Vous êtes moins critique depuis quelques mois à l’égard du pouvoir, que vous combattiez pourtant lorsque que vous militiez au sein du Collectif Sauvons le Togo. Quel est désormais votre positionnement sur l’échiquier politique ?

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Agbéyomé Kodjo : Il faut rappeler que depuis 2014, après avoir fait le bilan de son implication dans l’animation des activités du FRAC et du Collectif Sauvons le Togo (CST), ma formation politique, l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS), a tiré sans complaisance les leçons de sa participation à ces différents regroupements politiques et a procédé à une réorientation de sa ligne idéologique.

OBUTS pense que le combat pour le renouveau démocratique au Togo peut emprunter d’autres chemins, loin des confrontations et des diatribes permanentes qui ont montré leurs limites depuis la conférence nationale souveraine. Nous sommes désormais une force de proposition constructive dans tous les domaines de l’activité politique, économique et sociale pour faire avancer le pays, et l’aider à prendre le chemin de l’émergence.

Vous avez été cité il y a un an parmi les potentiels Premiers ministres de Faure Gnassingbé. Aujourd’hui on vous dit conseiller officieux du président, avec quelques avantages…

J’ai été plusieurs fois ministre, président de l’Assemblée nationale et Premier ministre. Je dispose à cet effet d’une petite expérience qui peut être mise au service de l’intérêt général. Mais dans nos pays quand un opposant ne se livre plus à des critiques systématiques de l’action gouvernementale, il est taxé de toutes les tares. Je rappelle opportunément que j’ai été rétabli dans mes prérogatives d’ancien Premier ministre, et jouit en conséquence des avantages qui s’y rattachent, comme mes autres collègues.

Les adversaires politiques ne sont pas des ennemis. Nous œuvrons tous pour un Togo meilleur

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Vos relations avec Jean-Pierre Fabre semblent compromises depuis que vous avez quitté avec fracas, au lendemain des législatives de 2013, le CST…

J’ai été une figure majeure du CST depuis sa création jusqu’en 2013 au lendemain des législatives où de fâcheuses manières furent faites à OBUTS dans la gestion des résultats du scrutin auquel nous avons pris part en liste commune sous la bannière du Collectif. Nous n’avons pas été d’accord de la confiscation des sièges au profit d’une seule formation politique. Ce fut pour nous une leçon politique de plus. OBUTS s’est retirée du CST qui s’est évanoui quelques mois plus tard.

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Depuis nous conservons avec nos amis de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) de Fabre des relations cordiales et courtoises. Les adversaires politiques ne sont pas des ennemis. Nous œuvrons tous pour un Togo meilleur.

Quelle est votre position sur la question des réformes politiques, notamment la limitation du mandat présidentiel ?

Comme l’ont récemment souligné les évêques togolais les réformes politiques sont nécessaires. Étant respectueux du jeu démocratique et des institutions, j’estime que cette question doit nécessairement faire l’objet d’un dialogue franc entre les différentes composantes du paysage politique. Nous attendons le démarrage de la commission créée à cet effet pour apporter notre contribution.

Recourir systématiquement à la rue est l’expression d’un choix politique que nous jugeons néanmoins contre-productif. D’autres moyens existent qui peuvent s’avérer plus efficaces, et c’est ce que nous tentons de faire en au niveau de notre formation politique.

Un jugement sur cette première année du mandat en cours de Faure Gnassingbé ? 

Il y a lieu d’admettre, ainsi qu’en témoignent les nombreuses inaugurations qui ont marqué la 56e fête nationale, que le Togo se dote d’infrastructures économiques d’envergure qui auront un impact sur le développement économique du pays. Le mandat du président de la République étant décrété « social », il urge que des programmes sociaux soient mis en œuvre et que des mesures en faveur des couches les plus vulnérables soient prises.

L’adoption du Programme d’urgence de développement communautaire pourvu d’une enveloppe de 131 milliards de francs CFA est une opportunité pour la réduction des inégalités sociales. Mais des actions plus vigoureuses doivent être envisagées pour réduire le coût de la vie et soulager le panier de la ménagère. Des solutions pour accroître significativement l’offre d’emploi des jeunes relèvent également d’une grande priorité.

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