Côte d’Ivoire : ce que la justice reproche à Simone Gbagbo
L’ancienne Première dame comparaît depuis ce mardi devant la cour d’Appel d’Abidjan. Elle doit, entre autre, répondre d’accusations de crimes contre l’humanité. Que lui reproche la justice ivoirienne ? Éléments de réponse.
Deux chefs d’accusation
Selon l’arrêt d’accusation en date du 27 janvier, consulté par Jeune Afrique, Simone Gbagbo comparaît pour faits de « crime contre les prisonniers de guerre et crime contre l’humanité ». L’ex-Première dame avait au préalable été inculpée « de génocide, crime contre les populations civiles, crime contre les prisonniers de guerre, meurtre, assassinat, viol, coups et blessures volontaires, complicité, co-action et tentative de ces infractions, voies de fait et crime contre l’humanité ».
Le juge d’instruction chargé de la procédure avait ensuite retenu trois chefs d’accusations avant que la Cour d’appel n’écarte finalement celui de « crime contre les populations civiles ».
Des événements précis
L’ancienne Première dame est soupçonnée « d’avoir pris une part prépondérante dans (une) série d’infractions à l’encontre des civils ou des prisonniers » lors de la crise postélectorale de 2010-2011, peut-on lire. Plusieurs événements, évoqués dans le dossier de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale (CPI), sont mis en avant : la manifestations devant la Radio télévision ivoirienne le 16 décembre 2010, le bombardement du marché d’Abobo.
Selon l’accusation, la responsabilité de Simone Gbagbo est engagée dans la majorité des exactions commises par les Forces de sécurité et de défense ou les milices armés favorables au régime de Laurent Gbagbo. Elle mentionne des « attaques menées contre des populations par les unités de la police telles que la CRS, la BAE, et des hommes en armes venus du camp commando d’Abodo et du camp d’Agban », des personnes transformées en bûchers humains, des doigts broyés « par les armes », des « tirs à bout portant au moyen d’armes de guerre ».
« Combattants », « société d’armes » et « cellules de crise »
Lors de la perquisition menée au domicile du couple Gbagbo, plusieurs documents ont été retrouvés, permettant selon l’accusation d’étayer la responsabilité de l’ex-première dame. L’arrêt d’accusation mentionne notamment « une demande d’audience adressée à Simone Gbagbo par Paul Nonzi, le président du FLGO », des conducteurs des émissions de la RTI », ainsi « qu’un courrier daté du 12 novembre 2003 de Bertrand Marc Gnatoa, commandant de la compagnie panthère, ex-GPP du Centre-Ouest, l’informant de l’existence de 14 000 combattants bien formés en attente d’être utilisés ».
L’arrêt d’accusation fait également état d’un de l’existence d’un document provenant d’une société marchande d’armes faisant à Simone Gbagbo une « proposition d’achat d’armements militaires ». Une cellule « qui constituait l’organe chargé de la planification et de l’organisation de la répression », peut-on lire.
Selon le même document, des témoignages recueillis ont révélé « l’existence d’une cellule de crise dans le courant du mois de janvier 2011 à la résidence présidentielle réunissant l’organe dirigeant du FPI, Simone Gbagbo, les ministres chargés de la sécurité, de la défense, celui de l’économie et des finances ».
« Projet d’élimination »
D’après l’acte d’accusation, plusieurs documents saisis démontrent que Simone Gbagbo tenait une place influente au sein du régime, que « c’est à elle que revenait la tache de négocier l’achat d’armes de guerre », qu’elle a « exercé une mainmise sur les médias d’État, en utilisant des émissions telles que Raison d’État, pour véhiculer le message de haine à l’égard de tous ceux qui s’opposaient au maintien au pouvoir de son époux ».
Et l’accusation de conclure : « La crise postélectorale a été un catalyseur instrumentalisé par Simone Gbagbo et son clan pour aboutir à l’exécution du projet d’élimination d’une partie de la population ivoirienne dite sympathisante d’Alassane Ouattara ou du RHDP. »
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