Le hajj et l’archevêque
Débat, mardi dernier, à la radio marocaine privée Luxe Radio, à Casablanca. Autour de la table, Samba, un étudiant mauritanien, un musicien juif de Casablanca (le fameux Karoutchi), une diplomate de haut vol dont on respectera l’anonymat, un militant passionné du dialogue des cultures, appelons-le Ahmed, et puis votre serviteur, invité on ne sait pourquoi, ainsi que l’archevêque de Rabat, Mgr Landel.
Pendant tout le débat, qui dura deux heures, tous les intervenants donnèrent du « monseigneur » long comme le bras à l’archevêque.
– Et alors ? me rétorquez-vous, sévère. C’est le titre d’usage des évêques. Vous n’alliez quand même pas l’appeler « capitaine » ? Ou « petit gars » ?
Certes. Tout cela était normal, spontané, pas du tout forcé, même au cœur d’une ville à 99 % musulmane. Mais, pendant tout ce temps, moi je pensais à Lionel Jospin, l’un des pontes du Parti socialiste français dans les années 1990, qui se permettait d’appeler le roi du Maroc « Monsieur Hassan II ». Et encore, on sentait qu’il se forçait au « monsieur » et qu’il brûlait d’envie de lui donner du « Hassan » comme au portier de l’immeuble ou au marchand de beignets du coin de la rue. Seule la crainte de l’incident diplomatique l’en empêchait. Mais jamais, au grand jamais, il ne lui aurait accordé son titre officiel : « Sa Majesté ». Non, non, faut pas pousser. Et quoi encore ?
Des rois nègres, des satrapes orientaux, des fakirs
À l’époque, étudiant à Paris, j’avais été étonné (et édifié) par la réaction de mes condisciples marocains. Même ceux qui détestaient Hassan II et le conspuaient dans les manifs, même ceux qui l’auraient volontiers mené à la lanterne la plus proche, même ceux qui militaient pour un changement de régime, tous avaient été choqués par la désinvolture de Jospin. Ils y percevaient une sorte de mépris pour toutes les cultures « exotiques ».
Des rois nègres, des satrapes orientaux, des fakirs ! Ce n’était certainement pas la pensée de Jospin, dont personne ne met en doute l’intelligence et la rectitude morale, mais cela fut perçu ainsi, à l’époque. Encore un malentendu dont on aurait pu faire l’économie…
Un roi, c’est « Sa Majesté », même s’il ne descend pas du premier Capet
En ces temps de migration et de brassage des peuples, c’est peut-être la première chose à apprendre aux enfants : le pape, c’est « Sa Sainteté », qu’on croie au Ciel ou qu’on n’y croie pas. Un roi, c’est « Sa Majesté », même s’il ne descend pas du premier Capet. Un pèlerin revenu sain et sauf de La Mecque, c’est « Al-Hajj » pour le restant de ses jours. Un rabbin, c’est… en fait, je ne sais pas comment on s’adresse à un rabbin, mais il suffit de le lui demander. Un cardinal, c’est « Son Éminence ». Ensuite, on peut discuter. Et, à l’occasion, s’étriper…
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