Deux Afrique

Le contraste est saisissant.

Vue aérienne d’Abidjan. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Vue aérienne d’Abidjan. © Sunday Alamba/AP/SIPA

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 30 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

D’un côté, une Afrique de l’Ouest économiquement ou politiquement dynamique, de l’autre, une Afrique centrale rendue moribonde par l’effondrement des cours du pétrole et paralysée par un jeu démocratique calcifié où les alternances et les successions ont été renvoyées aux calendes grecques.

Ici, des chefs d’État sortants battus dans les urnes par leurs challengers – d’anciens opposants, parfois au très long cours, qui arrivent finalement au pouvoir -, des scrutins présidentiels, législatifs ou locaux apaisés, des perdants qui reconnaissent avec élégance et responsabilité leur défaite. Des débats féconds, à l’assemblée, à la télévision ou dans les journaux, une presse dont les seules limites sont la déontologie professionnelle et les moyens financiers, des dirigeants que l’on peut critiquer sans être aussitôt jeté en prison ou, pis, sans disparaître.

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Des économies diversifiées, un secteur privé actif et ambitieux, une société civile – réellement civile – vigilante et entreprenante. Des villes qui se métamorphosent et se modernisent. Moins d’impunité, plus d’équité. Un renouvellement générationnel des élites, notamment politiques, trop lent mais réel. À Abidjan comme à Dakar, Ouaga, Cotonou ou Conakry, villes entre lesquelles on peut facilement circuler, les choses évoluent plutôt dans le bon sens, même si, évidemment, tout le monde attend plus et mieux. L’avenir, en tout cas, est une réelle préoccupation. Et se prépare.

Là, la paralysie. Des présidents qui empilent les mandats et les réformes constitutionnelles, fidèles au poste depuis des lustres, voire des décennies, comme Paul Biya, Idriss Déby Itno, Teodoro Obiang Nguema ou Denis Sassou Nguesso. À tel point que les plus jeunes, et parfois même certains adultes, n’ont connu qu’eux. À tel point également que personne ne sait ce qu’il se passera après – si tant est qu’on sache quand pourrait intervenir cet après ! Des dirigeants politiques et économiques dont la moyenne d’âge est particulièrement élevée.

Sur le plan économique, on marche sur la tête. En Afrique centrale, on produit du pétrole ou du bois, mais on importe de l’essence et des meubles.

Des scrutins toujours contestés car jamais au-dessus de tout soupçon, et un rapport des forces entre pouvoir et opposition particulièrement déséquilibré. Une presse, mais aussi une justice et nombre d’institutions, toutes censées être indépendantes, qui penchent très largement du côté du pouvoir. Un débat se réduisant à sa portion la plus congrue, des libertés sous haute surveillance, en particulier celle de s’exprimer. Dans la région, on vous coupe le son et la chique pour un rien.

Malgré des moyens colossaux, essentiellement tirés pendant plusieurs décennies de la manne pétrolière, les infrastructures, les systèmes de santé, éducatifs ou de protection sociale sont souvent indigents. Et sur des sols et sous des latitudes bénis des dieux, l’agriculture moderne est encore embryonnaire.

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Sur le plan économique, on marche sur la tête. On produit du pétrole ou du bois, mais on importe de l’essence et des meubles. On se contente d’une économie de rente qui favorise la corruption, le pillage par d’autres – Occidentaux, Chinois, etc. – des ressources nationales sans considération aucune pour l’environnement et l’écosystème. L’avenir ? On verra plus tard…

L’Afrique change et continuera de le faire. Les « rigidités » ne pourront perdurer. Deux choix s’offrent à nos dirigeants face à cette évolution inexorable : la préparer et l’accompagner, dans l’intérêt de tous, y compris le leur, comme cela semble être le cas en Afrique de l’Ouest. Ou s’évertuer à y échapper, comme en Afrique centrale. Pour finalement la subir, avec tous les risques que cela comporte…

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