Hissène Habré : verdict attendu au terme d’un procès historique

Un quart de siècle après sa chute, l’ex-président tchadien Hissène Habré est jugé pour pour crimes contre l’humanité. Il connaîtra ce lundi matin à Dakar le verdict du tribunal spécial africain au terme d’un procès inédit, censé servir de référence en Afrique.

Hissène Habré amené de force à l’ouverture de son procès, le 20 juillet 2015 à Dakar. © Ibrahima Ndiaye/AP/SIPA

Hissène Habré amené de force à l’ouverture de son procès, le 20 juillet 2015 à Dakar. © Ibrahima Ndiaye/AP/SIPA

Publié le 30 mai 2016 Lecture : 3 minutes.

Premier chef d’État africain jugé dans un autre pays que le sien

Poursuivi pour « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de torture », Hissène Habré a dirigé le Tchad d’une main de fer pendant huit ans, de 1982 à 1990 avant d’être chassé du pouvoir par l’actuel président Idriss Déby Itno. Il s’était alors réfugié au Sénégal en décembre 1990, où il a été arrêté le 30 juin 2013.

« Ce procès est le premier au monde dans lequel un ancien chef d’État est traduit devant une juridiction d’un autre pays pour violations présumées des droits de l’homme », se félicite Reed Brody, cheville ouvrière de cette procédure au sein de Human Rights Watch (HRW).

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Le procès de Habré constitue également une réponse aux griefs croissants contre la Cour pénale internationale (CPI), siégeant à La Haye, accusée de ne poursuivre que des dirigeants africains, et montre que le continent peut les juger lui-même.

« Ce procès est un précédent extraordinaire qui montre que des tribunaux africains peuvent juger des crimes commis en Afrique », confirme Reed Brody. « Nous espérons que d’autres survivants, d’autres militants, s’inspireront de ce que les victimes de Habré sont parvenues à accomplir ».

Un tribunal africain exceptionnel, basé sur la compétence universelle

Le procès d’Hissène Habré est également inédit en raison de la juridiction mise en place. Depuis le 20 juillet 2015, il est en effet jugé par les Chambres africaines extraordinaires (CAE) crées en vertu d’un accord entre le Sénégal et l’Union africaine (UA). Ce tribunal spécial est présidé par un magistrat burkinabè, Gberdao Gustave Kam, assisté de juges sénégalais.

« C’est aussi la première fois que l’utilisation de la compétence universelle aboutit à un procès sur le continent africain », souligne également Human Rights Watch. En clair, la compétence universelle permet à des tribunaux nationaux d’entamer des poursuites contre un ou des étrangers accusés d’avoir commis des crimes particulièrement graves, y compris en dehors de leurs juridictions.

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Que risque Hissène Habré?

Tout au long du procès, Hissène Habré aura récusé ce tribunal et refusé de s’y exprimer ou de se défendre. L’image du prévenu impassible, amené de force à l’audience et détournant le regard de tout orateur du prétoire, est restée inchangée depuis l’ouverture du procès.

Conformément à ses instructions et à son attitude depuis l’ouverture du procès – qui a conduit les CAE à désigner trois avocats commis d’office pour assurer sa défense -, les avocats choisis par Hissène Habré n’y assisteront pas.

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À la clôture des débats, le 11 février 2016 après l’audition de 93 témoins, les avocats commis d’office ont plaidé l’acquittement. Le procureur spécial, Mbacké Fall, a quant à lui réclamé la prison à perpétuité contre le président tchadien déchu, estimant qu’il était le « véritable chef de service » de l’appareil de répression sous son régime, en particulier la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), la police politique. Une commission d’enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous Hissène Habré à quelque 40 000 morts.

L’accusé encourt donc jusqu’aux travaux forcés à perpétuité.

Pour un des avocats de l’accusé, Me Ibrahima Diawara, « cette affaire n’est pas judiciaire mais politique. Il n’y a qu’une seule issue, que Hissène Habré soit condamné ».

Dans une interview vendredi au quotidien privé sénégalais Le Populaire, Fatime Raymonde Habré, épouse de l’ex-président, affirme également que « tous les gens qui ont suivi ce procès savent qu’il n’a été ni juste ni équitable ».

Quelles suites possibles après le procès ?

Toutes les parties du procès – accusation comme défense – peuvent faire appel du verdict. Y compris Hissène Habré, donc, qui ne reconnaît toutefois pas l’autorité des Chambres. Si ses avocats commis d’office déposent une demande en appel, « une Chambre Extraordinaire Africaine d’assises d’appel devra être constituée », souligne ainsi HRW.

S’il est condamné, Hissène Habré purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l’UA.

S’il est reconnu coupable, une autre phase s’ouvrira durant laquelle seront examinées d’éventuelles demandes de réparation au civil. Un collectif d’organisations internationales et africaines de défense des droits de l’homme a donc appelé les juges à définir rapidement « des procédures permettant l’examen des demandes de réparations des victimes ». « Le fonds au profit des victimes prévu dans le Statut (des Chambres africaines extraordinaires, NDLR) n’est pas encore opérationnel », soulignent ces organisations.

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