Bonnet d’âne pour les bouchers
Du lard ou du cochon ? Ou plutôt « de l’âne ou du bœuf » ? Les Sénégalais mangeraient à leur insu de la viande asinienne vendue pour de la chair bovine. Scandale et scepticisme au pays de la Téranga…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 31 mai 2016 Lecture : 2 minutes.
Au Sénégal, ceux qui ne mangent pas de volaille seraient-ils des pigeons ? Peuvent-ils encore être certain de la nature exacte de la viande qu’il leur est servie ? Il y a quelques jours, la presse de Dakar relayait une source anonyme du service départemental de l’élevage qui évoquait la présence, sur le marché, de viande d’âne en lieu et place du mouton ou du bœuf. La supercherie n’échappe pas à l’observation avisée, la chair asinienne étant plus rouge que celle des animaux pour lesquelles on voudrait faire passer les baudets.
L’escroc à l’origine de cette duperie aurait déjà été condamné à deux ans de prison ferme, avant d’être gracié au bout de six mois. Il se serait remis aussitôt à son extermination de bourricots, bien loin des espaces d’abattage officiels de la Société de gestion des abattoirs du Sénégal (SOGAS). Dakar, mais aussi Mbour ou Kaolack, seraient concernés par l’escroquerie à la barbaque.
Tabou
Certains marchés d’Afrique de l’Ouest proposant très ouvertement de la viande d’âne, pourquoi cette information du service de l’élevage provoque-t-elle un tel scandale ? Au-delà du principe d’intolérance de la tromperie sur marchandise, certains considèrent comme un tabou l’absorption de cette race animale. Les Français n’étaient-ils pas choqués, en 2013, lorsqu’ils apprenaient que de la chair de cheval – par ailleurs conseillée par les médecins – se trouvaient dans leurs lasagnes préférées ?
Par ailleurs, il y a lieu se poser des questions d’ordre sanitaire, même si ce sont les bêtes à cornes qui défrayèrent la chronique, lors de la crise de la vache folle. Ânes ou bœufs, l’abattage de ces animaux-là échappe largement aux regards de contrôleurs vétérinaires déjà débordés.
« Bonnet de bœuf » aux bouchers !
Sceptique, le carnivore en viendrait à se méfier de tout, pour lui et bien sûr pour sa progéniture. Le Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD) a dû confirmer – attestations de salubrité et d’origine à l’appui – que les restaurants universitaires ne servaient que de la viande de bœuf aux étudiants.
Ne faut-il pas simplement admettre l’évolution des références chez le boucher ? Et s’adapter à la nouvelle donne de la chaîne alimentaire ? Il suffirait alors d’ajuster quelque peu son langage. Pour dire que tout larcin est grave, on dirait désormais « Qui vole un œuf, vole un âne ». Pour invoquer le respect d’une procédure ou d’un raisonnement, on indiquerait qu’il ne faut pas « mettre la charrue avant les ânes ». Quand la tempête s’annonce soufflerait un vent à décorner les ânes, tandis que les musiciens improviseraient, en fin de soirée, un petit… âne. Allez ! « Bonnet de bœuf » aux bouchers !
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