COP22 au Maroc : des solutions africaines pour l’Afrique et le monde ?

Une tribune également signée par Adam Thiam, ancien chef de cabinet du président de la Commission de l’Union Africaine, et Matthieu Wemaëre, avocat à Bruxelles, qui a conseillé le gouvernement du Pérou pour la COP20 et celui du Maroc pour la COP21.

La ville d’Azrou, au sud de Fès, dominée par une majestueuse forêt de cèdres. © Mosa’ab Elshamy / AP / SIPA

La ville d’Azrou, au sud de Fès, dominée par une majestueuse forêt de cèdres. © Mosa’ab Elshamy / AP / SIPA

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  • Joël Ruet

    Joël Ruet est économiste au CNRS et préside le collectif The Bridge Tank, il a conseillé les gouvernements de l’Inde et du Sénégal.

Publié le 2 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Le Maroc vient d’annoncer ses 3 priorités pour la COP22, en invitant les pays partenaires à rejoindre son « initiative Triple A » : « Adaptation, Agriculture, Afrique ».

Initiative étrangement peu relayée par la presse mondiale, c’est pourtant selon nous une étape majeure qui vient d’être franchie. Nous soutenons qu’elle porte la promesse d’une solution réelle, concrète, et rapide.

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Adaptation : de la vulnérabilité à l’action

L’ « adaptation » au changement climatique, en langage de négociateurs climat, recoupe l’ensemble des « stratégies, initiatives et mesures individuelles ou collectives (entreprises, associations, collectivités, etc.) visant, par des mesures adaptées, à réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains contre les effets réels ou attendus des changements climatiques » (définition du GIEC). Or l’Afrique est spécialement vulnérable : un réchauffement « moyen » mondial de 2 degrés signifie pour le Sahel 3 voire 4 degrés ; un événement climatique extrême peut y faire perdre 20 ans de développement économique et social, avec à la clé trappes de pauvreté, effondrement d’écosystèmes naturels, contribuant à la perspective de plus de 200 millions de migrants climatiques d’ici 15 ou 20 ans.

Cependant l’adaptation africaine n’est pas qu’un problème de vulnérabilité, elle est une clé pour la résilience d’une large part du monde tropical. Ainsi une agriculture diversifiée, optimisée dans ses intrants (semences, engrais…) peut éviter la culture extensive, stopper la déforestation. La bonne gestion des sources et cours d’eau peut fixer des écosystèmes riverains, limiter le pompage et sa facture énergétique, etc. Une Afrique encore largement vierge est le terrain idéal de cette agriculture nouvelle ; des acteurs africains possédant un capital savoir-faire local, pouvant accéder à la technologie et l’adapter sont crédibles dans sa mise en œuvre. L’Afrique peut rejoindre certaines expériences, brésiliennes par exemple, et servir de laboratoire au monde tropical. Nous sommes convaincus que l’agriculture du monde « tempéré », entre autres, aura à y gagner.

Le « triple A » doit concerner le monde entier. Il peut aussi éviter des émissions futures.

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L’adaptation africaine sert le monde

L’adaptation africaine est centrale dans les efforts mondiaux « d’atténuation », le pendant de l’adaptation, ou ensemble des actions « qui visent à moins émettre de gaz à effet de serre ». Une Afrique qui représente moins de 4% des émissions (mais qui se peuple rapidement) a longtemps été négligée par les négociateurs du « Nord ». Nous sommes fermement convaincus que la COP22, en mettant à l’honneur l’adaptation, ne va pas déplacer le curseur d’une atténuation quantitative, mesurable, vers une adaptation perçue à tort comme « uniquement qualitative », mais lier les deux.

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Cette agriculture respectueuse, appuyée par de la recherche agro-écologique et des savoir-faire locaux (le « capital immatériel » dont le rôle est justement souligné par la présidence marocaine) a le potentiel de stabiliser les sols, d’y fixer de la biomasse, donc d’y capturer du carbone. Si les sols tropicaux en général sont fragiles, un sol bien géré possède à l’inverse la capacité d’être un puits de gaz à effet de serre et les écosystèmes tropicaux peuvent réaliser cela plus vite. Les actions d’adaptation en Afrique sont largement des actions d’atténuation. À l’heure où toutes les promesses de décembre 2015 appellent encore des actions concrètes, ce n’est pas négligeable.

Soutenir une COP22 de l’action

Rabat a des alliés naturels – le groupe africain demande d’agir avant 2020, horizon du début de la mise en œuvre du cycle actuel de négociations -, mobilisons-nous pour que le monde comprenne que, loin d’un plaidoyer pro domo, c’est une opportunité que l’Afrique lui offre dans sa lutte pour le climat.

L’Afrique, avec l’adaptation, va faire gagner du temps au monde. Avec « action », il s’agit d’un « quadruple A ».

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