RD Congo – Affaire Biac : la Banque centrale porte plainte

Après avoir placé sous administration provisoire, le 30 mai, la troisième banque de la RD Congo, la Banque centrale porte plainte contre ses administrateurs et anciens dirigeants.

La Biac compte environ 150 agences à travers le pays. © DR

La Biac compte environ 150 agences à travers le pays. © DR

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 6 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

L’affaire de la Biac, du nom de la troisième banque de RDC (la Banque internationale pour l’Afrique au Congo), rebondit à nouveau. Selon des documents vus par Jeune Afrique, et déjà relayés dans certains médias congolais dont politico.cd, le gouverneur de la Banque centrale, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, a adressé le 30 mai dernier un courrier au procureur général de la République, dans lequel il porte plainte contre les administrateurs et les dirigeants de la BIAC pour « violation de la loi n°003/2002 du 2 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit ».

Sont visés les administrateurs Elwin Blattner (représentant de l’actionnaire majoritaire), Michael Blattner, Charles Sanlaville, Blaise Mbatshi, Edouard Mambu Ma Khenzu, ainsi que Michel Losembe, directeur général jusqu’au mois d’avril dernier, et Robert Melotte.

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(Retrouvez ici le fac-similé de la plainte de la Banque centrale)

La plainte de la Banque centrale.

La plainte de la Banque centrale.

Dans son courrier, le gouverneur dénonce « des actes de mégestion ayant suscité la banqueroute de la Biac avec, pour conséquence, la dilapidation de l’épargne du public collectée au sein de cet établissement bancaire ».

Le courrier ne donne pas d’exemples précis de mauvaise gestion.

Le gouverneur demande au procureur « l’ouverture d’une action judiciaire et des mesures conservatoires visant la mise sous séquestre des biens et avoirs des concernés ainsi que de leurs sociétés apparentées ». La famille Blattner est l’une des plus riches de la RD Congo, avec des actifs importants dans l’huile de palme et le caoutchouc, entre autres.

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Administration provisoire

Le même jour, la Banque centrale avait annoncé le placement sous administration provisoire de la Biac, avec la nomination de huit administrateurs provisoires « ayant pour tâches essentielles d’assurer la gestion courante de la banque, de servir d’interface avec toutes les parties prenantes à la résolution de la situation de crise et de préparer dans un délai de 180 jours le plan de redressement de la Biac ».

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La banque congolaise, contrôlée à 100 % par Elwin Blattner et sa famille, est l’une des plus importantes du pays, avec plus de 400 000 comptes fin 2015, un total de bilan de 511 milliards de francs congolais (environ 498 millions d’euros) et un total des dépôts de 399,7 milliards de francs congolais dont 245, 3 milliards détenus par de petits épargnants. Avec plus de 150 agences, elle possède un des réseaux les plus vastes du pays.

En quelques semaines, l’affaire Biac s’est muée en une véritable bataille.

La Biac connaît depuis le début de l’année 2016 une grave crise, dont les causes réelles restent l’objet de fortes divergences d’appréciation. Fin février, les autorités suspendent une ligne de refinancement de 40 milliards de francs congolais par mois (37,4 millions d’euros), octroyée à la Biac. La décision est prise par la Banque centrale, suite à une injonction du Premier ministre. Le 7 avril, la primature expliquera cette décision par la volonté de lutter contre la dépréciation du franc congolais contre le dollar, en limitant l’offre de monnaie.

Quelques jours plus tôt, alors que la banque traverse de très grosses difficultés financières, liées à l’arrêt du refinancement mais aussi à la panique de déposants, le ministère de la communication rappelle par communiqué qu’un audit a eu lieu à la Biac de juin 2015 à février 2016 et que celui-ci « a confirmé la solidité des fondamentaux de cette banque ».

Mi-avril, Michel Losembe quitte ses fonctions, remplacé depuis la fin du mois de mars par Anne Mbuguje sur une base intérimaire.

La ligne de refinancement est progressivement remise en place.

Bataille politique

Fin mai, l’opposition sur ce dossier entre le Premier ministre et le gouverneur de la Banque centrale éclate au grand jour. Devant l’Assemblée nationale, le gouverneur, tout en rappelant les difficultés financières de la Biac (insuffisance des fonds propres, manque de rentabilité, dégradation du portefeuille de prêts), explique : « Si le gouvernement avait suivi les conseils de la Banque centrale, qui s’est abstenue d’appliquer cette mesure [retrait de la ligne de refinancement, NDLR] pendant 48 heures, avant de recevoir une injonction écrite pour s’exécuter, je reste convaincu qu’on n’aurait pas vécu cette malheureuse situation. » Le gouverneur fustige l’analyse du gouvernement concernant le lien entre dépréciation du franc congolais et la ligne de refinancement.

La réponse du Premier ministre n’a pas tardé : celui-ci explique que la Biac était en situation de « faillite dissimulée », la ligne de refinancement n’étant qu’un pansement sur une maladie plus grave (la mauvaise gestion), critique le contrôle de la Banque centrale et justifie à nouveau son choix de suspendre la ligne de refinancement.

En quelques semaines, l’affaire de la Biac s’est ainsi muée en une véritable bataille, dont l’issue reste encore très incertaine.

Suite à la plainte déposée par le gouverneur, Jeune Afrique a tenté de joindre les principaux mis en cause, la famille Blattner et Michel Losembe. Aucun n’a souhaité réagir.

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