Conservation des espèces : l’Addax et le Dodo, une même destinée ?
Tout le monde a entendu parler du Dodo. Un gros oiseau malhabile qui vivait sur l’île Maurice, il y a fort longtemps.
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Geoffroy Mauvais
Geoffroy Mauvais est vétérinaire, en charge du programme Aires protégées d’Afrique & conservation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) – www.papaco.org
Publié le 6 juin 2016 Lecture : 2 minutes.
Cousin des pigeons, il mesurait près d’un mètre de haut et fut décrit pour la première fois en 1598, par les explorateurs hollandais. Grisâtre, il était tout sauf beau et pas même bon à manger semble-t-il. Gros et lourd, il ne volait pas et n’avait aucune raison de le faire : il n’avait pas de prédateur à fuir sur son île. Il ne craignait donc pas l’homme lorsque celui-ci débarqua et en fut une proie facile.
Le Dodo s’est éteint moins d’un siècle après sa découverte par les explorateurs. Surtout victime des chiens, des chats ou des porcs introduits. Puis il fut oublié. Le dernier spécimen empaillé et conservé au Musée d’Oxford fut jeté à la poubelle au milieu du XVIIIème siècle car il tombait en poussière ! Ainsi, au début du XIXème siècle, le Dodo n’était plus qu’un mythe, comme le Dahu ou le Yéti, une simple fable. Il fallut toute l’énergie d’archéologues, bien plus tard, pour ramener ses os fossilisés à la surface et nous rappeler que le Dodo avait bel et bien existé.
Quand apprendrons-nous de nos erreurs ?
Cette histoire du passé nous en rappelle d’autres, bien présentes. Des espèces animales ont disparu, devant nous, tels des Dodos sans défense. Comme le pigeon migrateur d’Amérique du Nord, tellement abondant que ses passages noircissaient le ciel et pourtant éliminé définitivement au début du XXème siècle. Ou plus près de nous, le Rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest, officiellement disparu à jamais du nord Cameroun en 2011.
D’autres suivent cette trace, comme le lion, si emblématique de l’Afrique et pourtant si maltraité, déjà éliminé de la moitié des pays qu’il habitait jadis. Ou, encore plus actuel, l’Addax, encore présent au Niger et au Tchad, qui vit probablement ses dernières heures dans la nature. Les recensements les plus récents, conduits il y a quelques semaines, n’ont permis de ne trouver qu’une poignée d’individus dans le désert qu’il arpentait jadis. Victime de la chasse conduite par de riches princes du Moyen-Orient, du braconnage perpétré par les groupes armés, ou encore trop souvent par des soldats de l’armée régulière en mal d’occupation, dégât collatéral de l’exploitation pétrolière mal encadrée, l’Addax est en passe de rejoindre son cousin, l’Oryx algazelle, disparu de la nature il y a une vingtaine d’années. Dans la même zone et pour les mêmes raisons.
Un choix cornélien : conserver maintenant ou restaurer plus tard
Certes l’Oryx vient d’être réintroduit au Tchad, en mars dernier, au terme d’immenses efforts menés par une multitude d’acteurs de la conservation pour recréer une population viable à partir de différentes souches en captivité. Vingt-cinq oryx ont abandonné leurs zoos pour retrouver leur désert originel, ou disons plutôt, le retrouveront quand ils quitteront leur enclos d’acclimatation. Certes l’Addax pourra suivre le même chemin, un jour, peut-être, puisqu’il en existe des centaines d’individus dans les ménageries du monde entier. Mais faut-il en arriver à cette extrémité pour réagir. Si une voix, une seule, nous avait fait comprendre, à l’époque, que le Dodo s’en allait, peut-être serait-il là encore… Aujourd’hui nul n’ignore la terrible situation de l’Addax, alors espérons que nous saurons entendre le silence qu’il laisse derrière lui.
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