En Afrique centrale, la LRA n’est plus que l’ombre d’elle-même
Les rebelles ougandais ne sont plus qu’une poignée, éparpillés aux confins de la Centrafrique et de la RD Congo. Et avant tout préoccupés par leur propre survie.
Depuis le 21 janvier, l’Ougandais Dominic Ongwen est aux mains de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye. Commandant présumé de la brigade Sinia de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), l’homme surnommé la Fourmi blanche ("White Ant") se serait rendu début janvier aux forces américaines, qui avaient promis 5 millions de dollars (4,3 millions d’euros) pour sa tête.
D’où, sans doute, les revendications de miliciens de l’ex-Séléka (la coalition qui a fait tomber François Bozizé en mars 2013), qui affirment avoir en réalité capturé ce lieutenant de Joseph Kony – sachant que tous les deux sont sous le coup d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité depuis 2005… En tout état de cause, Ongwen a été remis par les Américains aux forces de l’Union africaine à Obo, puis transmis à la CPI. La LRA, depuis longtemps sur le déclin, perd là l’un de ses derniers chefs.
Née dans le nord de l’Ouganda à la fin des années 1980, dans le sillage de la rébellion mystique emmenée par Alice Lakwena, la LRA serait responsable de la mort de quelque 100 000 personnes et de l’enlèvement de plus de 60 000 enfants. Connue pour ses crimes abjects, elle fut longtemps soutenue par Khartoum en représailles au soutien accordé par l’Ouganda à l’Armée populaire de libération du Soudan du Sud (SPLA) de John Garang.
Mais depuis les années 2000, chassé par l’armée ougandaise et par l’Union africaine avec le soutien des États-Unis, le prophète autoproclamé Joseph Kony ne cesse de fuir, entre l’Ouganda, la République centrafricaine et la RD Congo. La plupart des observateurs – et même l’ONG Invisible Children, qui a fait de la traque du "seigneur" son fonds de commerce – s’accordent à dire que cette armée fantôme compterait aujourd’hui environ 170 combattants, éparpillés en petits groupes cherchant seulement à survivre.
Depuis 2008, 500 rebelles auraient été tués, 200 auraient fait défection et 86 auraient été capturés. Selon Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale de l’ONG International Crisis Group (ICG), "l’influence de la LRA est désormais tout à fait anecdotique, sauf pour le Congrès américain, qui s’est engagé à ramener la tête de Kony. Quant à ce dernier, il doit rester seul avec son fils, s’il n’est pas déjà mort derrière un manguier".
Michel Djotodia, en négociation avec Kony
Dans son rapport de novembre 2014, le secrétaire général des Nations unies était plus mesuré, soulignant que "selon des transfuges, le chef de la LRA, Joseph Kony, continue de diriger effectivement et de contrôler les différents éléments du groupe". Engagés dans différents trafics (ivoire, diamants, or), les derniers soldats de la LRA voleraient surtout pour… se nourrir. Ils auraient aussi, selon Jackson K. Tuwei, l’envoyé spécial de l’Union africaine sur la question de la LRA, des contacts "d’opportunité" limités avec des combattants de l’ex-Séléka pour l’échange d’armes et de nourriture.
Lorsqu’il était au pouvoir à Bangui, Michel Djotodia avait soutenu être en négociation avec Kony pour obtenir sa reddition. Aujourd’hui, selon les Nations unies, des rapports "troublants" indiquent que des captifs de la LRA seraient contraints de travailler dans des mines pour extraire des diamants au profit des ex-Séléka… "Dans la région, il y a désormais des groupes bien plus dangereux que la LRA", martèle Thierry Vircoulon.
Pourtant connu pour ses virulentes diatribes contre la CPI, le président ougandais, Yoweri Museveni, n’a étrangement pas souhaité que Dominic Ongwen soit jugé à Kampala. Sans doute le chef de l’état n’ignore-t-il pas qu’il fait là un cadeau empoisonné à la Cour : enlevé à l’âge de 10 ans, "élevé" par un proche de Kony, Vincent Otti, Ongwen est un enfant de la LRA. Il n’a jamais vraiment eu le choix d’être autre chose.
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