Décès de la romancière algérienne Assia Djebar, grande voix de l’émancipation des femmes

Grande voix de l’émancipation des femmes musulmanes et du dialogue des cultures, l’écrivaine algérienne Assia Djebar, membre de l’Académie française, est décédée vendredi à Paris à l’âge de 78 ans.

L’écrivaine algérienne Assia Djebar (g), membre de l’Académie française. © AFP

L’écrivaine algérienne Assia Djebar (g), membre de l’Académie française. © AFP

Publié le 7 février 2015 Lecture : 3 minutes.

La romancière, décédée dans un hôpital parisien, sera enterrée, selon ses vœux, dans son village natal de Cherchell, à l’ouest d’Alger, la semaine prochaine, selon la radio publique algérienne. Son décès a également été annoncé samedi par sa famille dans un faire part diffusé sur le site internet du Cercle des amis d’Assia Djebar, une association qui organise des évènements littéraires et cinématographiques autour de son oeuvre.

François Hollande a rendu hommage, dans un communiqué, "à cette femme de conviction, aux identités multiples et fertiles qui nourrissaient son œuvre, entre l’Algérie et la France, entre le berbère, l’arabe et le français". Figure majeure de la littérature maghrébine d’expression française, Assia Djebar a publié une vingtaine de romans, témoignages, recueils de poèmes, traduits dans une vingtaine de langues. Elle était aussi cinéaste.

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Lauréate en 2000 du prix allemand de la Paix, élue à la prestigieuse Académie française en juin 2005, elle fut citée à plusieurs reprises pour le prix Nobel de littérature.

De son vrai nom Fatima Zohra Imalayène, cette fille d’instituteur, née le 30 juin 1936 à Cherchell, à 150 km à l’ouest d’Alger, publie son premier roman, "La soif", alors qualifié de "saganien", à l’âge de 19 ans. "C’était un air de flûte qui continue à être entendu et à être juste", dira-t-elle des années plus tard. Son nom de plume, Assia, signifie "la consolation", et Djebar, "l’intransigeance".

Première femme musulmane admise à l’Ecole normale supérieure de Paris en 1955, elle défend dans son oeuvre pendant plus d’un demi-siècle le droit des femmes, prônant l’émancipation des musulmanes. Elégante silhouette et visage grave illuminé par son sourire, elle prend dans sa jeunesse le parti de l’indépendance de l’Algérie, alors sous domination française, mais décide d’écrire en français. Elle enchaîne les romans jusqu’au milieu des années 1960, "Les impatients" (1958), "Les enfants du nouveau monde" (1962)…

De retour dans son pays, elle enseigne plusieurs années l’histoire à l’université d’Alger. Héritière de deux cultures, maghrébine et occidentale, elle s’oppose à l’arabisation forcée de son pays et revient à l’écriture dans les années 1980. Elle publie alors ses romans les plus connus, "L’amour, la fantasia" (1985) ou "Ombre sultane" (1987), qui plaident pour la démocratie, les droits des femmes et le dialogue des cultures. Son oeuvre évoque ensuite le sort des femmes et des intellectuels confrontés à l’intolérance et à la violence des années 1990 en Algérie.

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Le français, tempo de ma respiration

Elle choisit de retourner vivre à Paris, en 1980. Sa vie est consacrée presque exclusivement à son travail d’écriture: romans, essais, théâtre, travail critique.

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De 1983 à 1989, elle est aussi choisie par Pierre Bérégovoy, alors ministre des Affaires sociales, comme représentante de l’émigration algérienne pour siéger au Conseil d’administration du Fonds d’action sociale. En 1999, elle est élue à l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, au siège de Julien Green. Six ans plus tard, elle devient la première personnalité du Maghreb élue à l’Académie française, et l’une des rares femmes, évoquant alors l’"immense plaie" laissée par le colonialisme sur sa terre natale et son attachement fusionnel à la langue de Molière.

Le français, "lieu de creusement de mon travail, tempo de ma respiration au jour le jour", dit-elle lors de sa réception sous la Coupole. Dans son dernier livre, "Nulle part dans la maison de mon père" (Fayard), en 2007, récit autobiographique et pèlerinage de la mémoire, Assia Djebar ressuscite une trajectoire individuelle qui se confond avec celle de son peuple.

Pendant des années, Assia Djebar est rentrée régulièrement en Algérie. Elle n’y est retournée qu’une fois durant la décennie noire, pour l’enterrement de son père. En juin 2005, le gouvernement algérien avait salué son élection à l’Académie française comme "une fierté nationale".

Son oeuvre littéraire est traduite en 23 langues. Une vingtaine d’ouvrages en français, en anglais, en allemand et en italien portent sur l’étude de son oeuvre.

L’écrivaine, qui enseigna aussi plusieurs années la littérature française à la Louisiana State University de Baton Rouge puis à partir de 2001 à la New York University, était également cinéaste. Elle avait notamment réalisé "La Nouba des femmes du mont Chenoua" (prix de la critique internationale à Venise en 1979) sur la tribu de sa mère.

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