Tunisie : le (trop ?) gros chantier des élections municipales
Prévues en mars 2016, les élections municipales en Tunisie devraient se tenir finalement le 26 mars 2017, a annoncé l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Une étape importante pour accompagner la décentralisation et la gouvernance participative des collectivités locales inscrites dans la constitution adoptée en 2014.
Une loi électorale quasi-impossible à appliquer, des difficultés de financements et un manque de ressources humaines font craindre, à neuf mois du scrutin, une mainmise des partis les plus importants, dont Nidaa Tounes et Ennahdha, sur les prochaines municipales. Les formations de gauche principalement tentent, comme pour les législatives, de s’organiser et de s’accorder sur des listes communes, mais cette unité n’est pas encore acquise. Quoi qu’il en soit, ces élections seront essentielles pour le pays, en pleine transition démocratique.
Un manque de financement
La décentralisation des pouvoirs tunisiens prévoit le découpage du territoire en municipalités regroupées en conseils régionaux, qui coexisteront avec les Gouvernorats, qui eux-mêmes composeront des départements. Villes, villages et régions iront vers plus d’autonomie et pourront créer leurs propres taxes et impôts ainsi que des règlements locaux.
À la clé pour les municipalités, un pouvoir de décision en terme de développement local et une réduction des disparités régionales. Un enjeu qui n’a pas échappé aux partis voulant affirmer ou confirmer leur poids. Mais, prévient Mohamed Ali Mankai, membre du bureau exécutif d’Afek Tounes, « sans une révision en profondeur du financement des municipalités, dont les ressources actuelles sont médiocres, nous risquons d’être tous déçus ».
Au total, 7 500 candidats toutes listes confondues seront en lice pour les municipale
La nouvelle loi électorale, en cours de discussion à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), prévoit 73 jours, du 22 août au 2 novembre 2016, pour l’inscription des électeurs. Une première étape qui s’annonce longue au vu de la création des 64 nouvelles municipalités prévues par la Constitution, leur nombre total passant ainsi à 350, ce qui leur permettra de couvrir l’ensemble du territoire. Un délai qui s’annonce également difficile à respecter en sachant que ces municipalités intègrent près de 3,5 millions de Tunisiens qui ne bénéficiaient pas de commune de référence jusque là.
Au total, 7 500 candidats toutes listes confondues seront en lice pour les municipales ; il sera difficile aux partis de réunir suffisamment de candidats pour être présents sur toutes les communes. Il sera également difficile de réunir près de 20 000 observateurs et bénévoles pour veiller aux irrégularités du scrutin. Pourtant c’est ce que prévoit la loi électorale qui, en revanche, n’évoque pas le financement de la campagne.
Risques de fraude et problèmes de financement
« Le principe des listes qui a été retenu profite aux formations politiques ayant des moyens importants ; celle qui l’emporte désignera le président du conseil municipal ou régional» alerte un observateur du réseau Mourakiboune, lequel n’exclut pas les fraudes, d’autant que les populations récemment intégrées dans le découpage communal n’ont jamais exercé leur citoyenneté librement et sont souvent illettrées.
Pour financer leur campagne, certains comptent sur les entreprises, qui pourraient y trouver un retour sur investissement local. « Rien n’est moins sûr ; les hommes d’affaires misent plutôt sur les législatives pour leurs objectifs économiques et politiques », explique Jaber Laayouni, militant du Courant Démocratique à Sidi Bouzid.
À ce jour, la dette globale de l’ensemble des communes s’élève à 137 millions de dinars, dont 75 millions envers la Caisse des prêts et de soutien aux collectivités locales, 25 millions vis à vis de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), 10 millions pour la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede), ou encore 10 millions vis à vis de banques privées.
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