Afrique du Sud : ces assassinats politiques qui inquiètent l’ANC

À deux mois des élections locales, trois militants du Congrès national africain (ANC) ont été abattus par balle en l’espace d’une semaine dans la province du Kwazulu-Natal, où le parti présidentiel compte le plus de soutien. Des assassinats politiques, qui inquiètent aussi bien les cadres du parti que les autorités.

Le ministre sud-africain de la Police, Nathi Nhleko, le 24 mai 2016 lors d’une conférence de presse à Pretoria. © GovernmentZA / Flickr

Le ministre sud-africain de la Police, Nathi Nhleko, le 24 mai 2016 lors d’une conférence de presse à Pretoria. © GovernmentZA / Flickr

Publié le 10 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Le 8 juin, une militante de l’ANC, Badedeli Ntshapa, 56 ans, a été tuée par balle alors qu’elle rentrait chez elle, dans la ville de Pietermaritzburg, à moins d’une centaine de kilomètres au nord-est de Durban, la capitale de la province. Membre du comité exécutif de la section locale du parti couvrant le secteur 15 (ward 15), elle revenait d’un meeting dans le township de Mbali, rapporte le quotidien sud-africain The Times.

Son acolyte, Phetheni Ngubane, 60 ans, militante au sein de la même section, a été grièvement blessée par balle, puis transférée à l’hôpital. D’après le journal, deux autres militants de l’ANC d’une section voisine ont été tués par balle la semaine précédente.

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Le phénomène n’est pas nouveau

Trois morts en l’espace d’une semaine, six depuis mi-avril dans la province du Kwazulu-Natal où l’ANC compte le plus de soutiens (plus de 60% des voix aux dernières élections provinciales de 2014)… En cinq mois, il y a eu autant d’attaques – 15 au total sur l’ensemble du territoire – qu’en un an, si l’on compare à 2015.

Le phénomène n’est pas nouveau. Selon la commission sud-africaine des droits de l’homme (South African human rights commission, SAHR), il y a eu 50 assassinats politiques des cinq dernières années, principalement dans le Kwazulu-Natal et la province voisine du Mpumalanga (nord-est). En revanche, il est « en augmentation à l’approche des élections locales qui se tiendront au mois d’août », s’inquiète la SAHR dans un communiqué du 8 juin.

Qui est derrière ces assassinats ?

« Nous voulons savoir si oui ou non les voyous qui ont commis ces crimes sont membres de l’ANC ou ont des liens avec des membres du parti », a réagi Natal Mdumiseni Ntuli, le porte-parole de l’ANC dans le KwaZulu-Natal à l’annonce de la mort de Badedeli Ntshapa. « Ces cas ont pour but de distiller la peur parmi les membres de l’ANC », a-t-il ajouté.

Pour Themba Mpila, conseiller municipal de l’ANC à Pienaar, ville du Mpumalaga, cela ne fait aucun doute. Son ami, Michael Zane Phelembe, 32 ans, militant de l’ANC, s’est fait abattre devant chez lui par deux hommes armés le 27 mai. « Nous avions rejoint l’ANC, volontairement et en connaissance de cause. Entre autres, nous savions que nous serions tués », explique-t-il au Mail and Guardian le 31 mai. « Un jour, Zane m’a dit qu’il y avait une liste. Lui était le premier sur la liste, j’étais le second », a-t-il poursuivi. « Ce n’est pas l’ANC qui tue les gens, mais des personnes corrompues qui au sein de l’ANC veulent le monopole du pouvoir ».

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Comment expliquer leur augmentation ?

« L’augmentation de ces assassinats s’explique par les divisions au sein de l’ANC, exacerbées par l’échéance des élections locales », commente Gareth Newham de l’Institute for security studies (ISS), joint vendredi par téléphone par Jeune Afrique. « Dans le Kwazulu-Natal, deux factions s’affrontent pour prendre le dessus l’une sur l’autre », poursuit le spécialiste des questions de sécurité.

« Si les luttes intestines prennent une tournure si radicale dans le Kwazulu-Natal, c’est que la province est plus qu’ailleurs marquée par la violence politique des années 1990 », ajoute Gareth Newham, qui pointe également l’impunité des meurtriers.

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Création d’une task team pour enquêter

À ce titre, le ministre de la police, Nathi Nhleko a annoncé le 5 juin la mise en place d’une équipe d’enquêteur – une task team – dont certains sont membres des Hawks (« faucons » en anglais), une unité spéciale de police chargée de combattre la corruption et le crime organisé, afin d’engager des investigations sur ces assassinats politiques et d’ouvrir d’éventuelles poursuites judiciaires.

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