Ramadan, comme si vous y étiez
Lundi 6 juin, premier jour de ramadan.
Nous avons dû attendre que les instances religieuses annoncent le début du jeûne après avoir vu la lune à l’œil nu, alors qu’elles peuvent très bien nous épargner le suspense, maintenant que la technologie peut dire exactement si la lune nouvelle est arrivée. Mais non, elles préfèrent se la jouer « authentique », regard fixé sur le ciel, à la manière des astrologues du VIIe siècle.
La saison de toutes les goinfreries
Dans le doute, j’ai préféré aller faire mes courses la veille, c’est-à-dire dimanche, jour de marché. Je ne vous dis pas le monde ! Une longue file devant le boucher, une vraie razzia sur le pain, les bricks, les cornes de gazelle et l’incontournable menthe pour parfumer les fameuses « soirées ramadanesques ».
À voir tout ce monde se ruer sur les étals et consommer sans mesure, je me suis réjouie pour les caisses de l’État. Mais quand même. J’ai eu l’impression que ce n’était pas une période de jeûne qui commençait, mais la saison de toutes les goinfreries. A-t-on les moyens de dépenser autant ? Qu’importe. Quid de l’effort et de la frugalité exigés pendant ces trente jours ? Du pipeau.
Le carême, c’est fait pour manger plus que de raison. Et, comme pour la nourriture, certains abusent de sommeil. Dormir un maximum de temps pour ne pas sentir le ramadan passer. Dormir, dans son lit comme au bureau d’ailleurs. Et se mettre en colère pour un rien. Faire subir sa mauvaise humeur à ses amis, collègues ou concitoyens. On dit bien « mramdhin » pour signifier « faire sa colère du ramadan ». Je passe au crible tous les excès de circonstance.
Est-ce une illusion, mais il m’a semblé que le nombre de voilées a doublé en vingt-quatre heures. Faut-il aussi priver la peau de lumière pendant le saint mois ? S’envelopper d’étoffe pour amadouer Dieu ou son mari – certaines les confondent allègrement – augmente-t-il les bénéfices du carême ? C’est toujours ça de gagné, pensent ces intermittentes du hidjab qui exhibent le reste de l’année de généreux décolletés.
J’ai bien senti que mon quartier tourne au ralenti. Les visages sont plus pâles, l’énergie amoindrie. Le patron du café d’à côté s’est plaint de la lenteur de ses employés, dont certains ne veulent plus servir d’alcool… Et le doute est permis quant à la vigilance des agents de sécurité en ces temps d’attentats.
À l’heure de la rupture du jeûne, ma rue s’est vidée. Pas un passant. Sauf quelques retardataires qui courent pour rattraper le bus. Après le repas, un va-et-vient incessant de jeunes barbus en qamis. Ils se dirigent vers la mosquée et en reviendront très tard, après les prières nocturnes, les tarawih.
Je me dis que, en définitive, tout est comme là-bas. Là-bas ? Oui, pardon, j’ai oublié de préciser que je ne vous parle pas de ramadan à Tunis, comme je l’ai toujours fait, mais de ma banlieue parisienne. Et si je ne peux vous garantir la décrue des cours d’eau ni celle des colères syndicales, je peux vous assurer que ramadan a planté sa tente sur ce côté-ci de la Méditerranée : vous n’avez plus besoin de repartir au bled pour vous sentir comme « si vous y étiez ». Wallah ! Je ne mens pas. L’exil est une boutade. Et toutes les chorbas ont fini par se ressembler…
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