Manganèse : Eramet poursuit son ancrage au Gabon

Un gisement de manganèse prometteur, une première industrie locale de transformation et maintenant une Ecole des Mines : en dépit du recul des cours des matières premières, le français Eramet joue la carte de l’ancrage « stratégique » à long terme au Gabon face à la concurrence croissante de la Chine.

Vue du Centre metallurgique de Moanda, au Gabon. © Direction de la communication/Présidence du Gabon/Flickr

Vue du Centre metallurgique de Moanda, au Gabon. © Direction de la communication/Présidence du Gabon/Flickr

Publié le 14 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

L’inauguration le 6 juin par le président gabonais Ali Bongo Ondimba et le président d’Eramet Patrick Buffet, de l’Ecole des Mines et de la Métallurgie de Moanda (est), est une nouvelle étape dans l’instauration d’une filière manganèse au Gabon, deuxième producteur mondial de ce minerai.

L’établissement de 20 millions d’euros, cofinancé par le Gabon et le groupe français, aura pour mission de former localement dès septembre les « futurs ingénieurs et techniciens supérieurs » dans le secteur des mines.

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Pendant plus d’un demi-siècle, Eramet s’était contenté d’extraire du minerai dans la région de Moanda pour l’exporter brut vers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du nord, où il est transformé en acier.

En accord avec les autorités gabonaises, soucieuses de diversifier une économie encore très dépendante des recettes pétrolières, le groupe a investi plus de 240 millions d’euros dans la construction d’un vaste complexe industriel dont les premiers fours ont démarré la production en 2014.

Sur 50 hectares, le site de Moanda accueille désormais une usine de manganèse métal d’une capacité de 20 000 tonnes par an et une usine de silico-manganèse capable de produire 65 000 tonnes. Il a permis de créer « 432 emplois directs et environ autant dans la sous-traitance », selon le directeur du Complexe métallurgique de Moanda (CMM), Johan Carette.

Surproduction mondiale

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La Gabon est le deuxième pays subsaharien, après l’Afrique du Sud, premier producteur mondial, à se doter d’une telle structure. « Nous ne voulons plus être un exportateur de matières brutes, nous voulons transformer », a indiqué le président Bongo, candidat à un deuxième mandat à la présidentielle prévue fin août 2016.

Et si la contribution du secteur minier au PIB reste modeste (environ 6 %), le gouvernement espère à long terme tirer davantage profit de l’exploitation de son riche sous-sol (fer, uranium, terres rares, zinc…).

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Jusqu’à présent « on ne peut clairement pas parler de rentabilité », confie une source proche du dossier, alors que la Comilog, la filiale locale d’Eramet, vient d’annoncer une perte nette de 43 milliards de F CFA (65,5 millions d’euros), en hausse de 60 % sur un an.

C’est que la transformation a démarré au pire moment: le manganèse est en surproduction sur un marché mondial très concurrentiel, et les prix ont été divisés par trois en moins de dix ans.

Ainsi le premier producteur mondial, l’australien South32 (né d’une scission des activités du géant BHP Billiton), a fermé l’an dernier trois de ses quatre fours de manganèse sud-africains.

Au Gabon, la question cruciale de l’alimentation du Complexe de Moanda en électricité a été résolue grâce à la construction par l’État du barrage hydroélectrique de Grand Poubara (160 mégawatts), en service depuis 2013. Mais les coûts de production restent élevés, en raison notamment de la fragilité des infrastructures, dont le réseau ferroviaire, essentiel au transport du minerai.

Concurrence chinoise

Dans ce contexte, l’ampleur des investissements « peut surprendre », reconnaît le représentant général d’Eramet au Gabon, Pietro Amico. Mais il s’agit selon lui de pérenniser des « actifs qui sont stratégiques », dans la mesure où l’immense gisement de Moanda, l’un des plus grands connus à ce jour, possède encore une durée de vie estimée à « 50 ou 60 ans ».

Car si le groupe français exploite encore 90 % du manganèse gabonais, il est désormais concurrencé par les Chinois de la Compagnie industrielle et commerciale des mines de Huazhou (CICMHZ) qui exploite ce minerai à Ndjolé (centre).

Jusque-là surtout présentes dans l’exploitation du pétrole, du bois et dans le BTP, les sociétés chinoises tentent désormais de se positionner dans le secteur minier. Le projet d’exploitation des monts Belinga (nord-est) – qui abritent un des plus gros gisements de fer au monde, estimé à plus d’un milliard de tonnes – avait ainsi été confié au groupe China Machinery Engineering Corporation (CMEC), même si la licence lui a été retirée en 2013.

Les difficultés financières ont toutefois conduit Eramet à suspendre un de ses projets phares dans le monde : Maboumine, dont le gisement situé près de Lambaréné (centre du Gabon) recèle du niobium (utilisé dans la fabrication des aciers et de superalliages), des terres rares, du tantale (présent dans les composants électroniques), ou encore de l’uranium.

Depuis 2011, plus de 180 millions d’euros ont déjà été injectés dans différentes études et le coût total du projet (mise en exploitation et lancement d’une usine de transformation) est estimé à 3,5 milliards d’euros. Des discussions sont en cours avec le gouvernement, également actionnaire, afin de trouver d’autres partenaires éventuels pour porter le projet.

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