Nigeria et Niger, deux démocraties à l’épreuve de Boko Haram
Report des élections présidentielle et législatives de six semaines au Nigeria, premières attaques meurtrières au Niger, qui doit voter lundi l’envoi de troupes pour combattre Boko Haram. La secte islamiste n’en finit pas de menacer les démocraties ouest-africaines.
Les élections nigérianes reportées
Le report des élections présidentielle et législatives au Nigeria a suscité dimanche de vives critiques. De nombreux observateurs et opposants ne semblaient pas convaincus par l’argument officiel de la mobilisation militaire contre Boko Haram, jugeant davantage que la popularité chancelante du président candidat Goodluck Jonathan en était la vraie raison. Samedi soir, à sept jours du vote initialement fixé au 14 février, la commission électorale nigériane (INEC) a annoncé que les élections présidentielle, législatives et sénatoriales étaient reportées au 28 mars. Les élections des gouverneurs et assemblées des États ont été également décalées de six semaines, au 11 avril.
La présidentielle devrait se jouer entre deux favoris : le chef de l’État Goodluck Jonathan, 57 ans, du Parti démocratique populaire (PDP), et l’ex-général Muhammadu Buhari, 72 ans, du Congrès progressiste (ACP), principale formation de l’opposition. L’INEC a expliqué avoir repoussé les scrutins en réponse à des demandes officielles – y compris du chef du Conseil national de la sécurité (NSA), Sambo Dasuki – invoquant l’indisponibilité de forces de défense pour sécuriser le vote, en raison de leur engagement contre Boko Haram, qui sévit depuis six ans dans le nord-est du pays.
>> Lire aussi Nigeria : pluie de critiques après le report de la présidentielle
Certains ont jugé cette explication irrecevable, arguant que Boko Haram ne pouvait être défait en six semaines et que la sécurité des scrutins ne serait pas plus garantie en mars. D’après eux, les motivations du pouvoir sont plutôt d’ordre politique, un nouveau délai pouvant bénéficier au PDP, qui dispose de plus de moyens pour mener une campagne électorale plus longue et ainsi permettre à Goodluck Jonathan de regagner du terrain face à Muhammadu Buhari.
Pour d’autres analystes, les difficultés dans la distribution des cartes d’électeurs (PVC) auraient pu constituer un motif valable de report. L’exercice représente en soi un véritable casse-tête logistique dans cette fédération composée de 36 États et un territoire fédéral (Abuja), avec près de 69 millions de Nigérians inscrits sur les listes sur une population globale de 173 millions d’habitants.
Le Niger, nouvelle cible, se mobilise
Après des mois de menaces, les combattants de Boko Haram sont passés à l’action au Niger. Ils ont mené samedi et dimanche deux attaques en deux jours dans la région de Diffa, dans le sud-est frontalier avec le Nigeria, confirmant que le pays était devenu une de leurs nouvelles cibles. Les forces de sécurité nigériennes ont fait état de 109 islamistes, quatre militaires et un civil tués dans ces premiers combats. Elles ont en outre déploré 17 blessés et deux disparus.
Ces offensives, qui plongent ce pays sahélien dans la crainte, interviennent alors que le Parlement du Niger devrait approuver lundi un engagement de ses troupes au Nigeria pour combattre Boko Haram, aux côtés des armées tchadienne et camerounaise. La guerre contre les islamistes, qui a pris le contrôle de vastes territoires du nord-est du Nigeria et menace les pays voisins, prend une ampleur régionale. Le Niger rejoindrait le Cameroun, engagé depuis plusieurs mois dans sa région de l’Extrême-nord infiltrée par les insurgés, et le Tchad, mobilisé depuis deux semaines.
En décembre, le gouvernement nigérien avait annoncé "la plus grande opération militaire jamais montée au Niger" dans la zone de Diffa. D’après le gouverneur de Diffa, "près de 3 000" soldats nigériens sont positionnés "tous les 10 ou 15 km le long de la frontière avec le Nigeria".
La force multinationale en cours de déploiement
Tchad, Niger, Nigeria, Cameroun et Bénin se sont mis d’accord samedi, à l’issue d’une réunion d’experts à Yaoundé, pour mobiliser 8 700 personnels militaires, policiers et civils dans une force multinationale de lutte contre Boko Haram. Depuis fin janvier et le sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, le chiffre annoncé était de 7 500 hommes.
Ni la contribution par pays, ni le décompte militaires/civils/policiers n’ont été communiqués et il faudra attendre pour voir la force entrer en action : selon les experts, "un groupe restreint" travaillera "dans les jours qui viennent" sur les "détails" de l’apport de chaque État et "élaborera le budget initial de la Force". "Le concept d’opération de la Force" sera ensuite transmis au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine "pour approbation et transmission au Conseil de sécurité des Nations Unies".
Cette réunion de Yaoundé a aussi entériné la décision prise le 20 janvier par les ministres des pays de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) d’installer le quartier général de cette force à N’Djamena, très volontaire sur ce dossier.
Prenant l’initiative, l’armée tchadienne avait récemment déployé des troupes de part et d’autre du lac Tchad. Au sud, elles ont rejoint les forces camerounaises dans la zone de Fotokol. Elles ont aussi contourné le lac par le nord pour rentrer au Niger, où des centaines de leurs véhicules et de leurs chars sont positionnés depuis plus d’une semaine. L’armée tchadienne a lancé mardi une grande offensive terrestre au Nigeria à partir du Cameroun, reprenant aux islamistes la localité nigériane frontalière de Gamboru après de durs combats.
(Avec AFP)
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