Guy Maurice : « Total s’est profondément remis en cause »

Le géant pétrolier français, dont la production atteint 2,3 millions de barils d’équivalents pétrole (bep) par jour, dont 678 000 en Afrique, se serre toujours la ceinture. État des lieux des opérations de Total en Afrique subsaharienne avec Guy Maurice, le patron exploration-production de la zone.

Guy Maurice, nouveau « Monsieur Afrique » de Total à Paris dans son bureau de La Defense, le 07 novembre 2014. © Bruno Levy pour Jeune Afrique

Guy Maurice, nouveau « Monsieur Afrique » de Total à Paris dans son bureau de La Defense, le 07 novembre 2014. © Bruno Levy pour Jeune Afrique

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 17 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Quel est votre état d’esprit en Afrique dans le contexte actuel des cours très bas, autour de 50 dollars mi-juin 2016 ?

Guy Maurice : Depuis près de deux ans maintenant, nous sommes dans une logique de réduction des coûts, pour faire baisser notre « point-mort » [seuil de rentabilité] et traverser au mieux la crise actuelle.

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Après une phase de déni, toute l’industrie des majors jusqu’aux sous-traitants – a maintenant compris que nous allions rester encore pour un temps avec un niveau de prix du baril entre 50 et 60 dollars, au mieux.

Total s’est profondément remis en cause. Nous avons repensé la manière de développer nos projets pour en diminuer les coûts. Nous faisons tout pour que le modèle économique de nos projets soit viable dans la situation actuelle. Et pour y parvenir nous dialoguons constamment avec les autorités de chaque pays.

C’était le cas dernièrement au Congo-Brazzaville et en Côte d’Ivoire, deux pays qui se sont montrés coopératifs.

Après une phase de déni, toute l’industrie comprend que nous allons rester pour un temps avec un baril entre 50 et 60 dollars.

Le développement des grands projets que vous avez lancés avant 2015 tel que Moho Nord au Congo Brazzaville – se poursuit. Mais Total va-t-il annoncer d’autres projets extractifs d’envergure malgré le marasme actuel ? La maison d’analyse américaine Baker & McKenzie faisait remarquer dernièrement que chez vous, comme chez vos concurrents, aucun méga-investissement n’a été annoncé en 2015 sur le continent…

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Nous allons rester dans cette logique de réduction des coûts pendant quelques temps encore. Mais je suis optimiste sur notre projet ougandais.

Nous avons résolu en mai 2016 la question du trajet du pipeline exportant le pétrole, qui, sur décision des autorités ougandaises, passera par la Tanzanie jusqu’au port de Tanga et non via le Kenya, ce qui satisfait à nos exigences en matière de sécurité et de sûreté de fonctionnement des futures installations.

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Avec nos équipes d’ingénierie, nous espérons bénéficier des baisses des coûts de développement des projets en cette période de crise, et présenter un budget raisonnable. Si nos études prouvent la faisabilité économique et technique de ce grand projet, nous pourrions prendre une décision d’investissement fin 2017 ou début 2018, pour plusieurs milliards de dollars.

Cette décision sur l’Ouganda n’a pas dû ravir votre partenaire Tullow Oil sur ce projet, qui préférait un passage par le Kenya, ce qui lui aurait permis de raccorder au pipeline ses projets extractifs autour du lac Turkana…

Il y a eu énormément de travail pour déterminer la meilleure voie pour le projet ougandais. La solution tanzanienne est clairement apparue comme la moins onéreuse en termes de coûts du transport par baril et la plus sûre pour garantir la continuité des opérations d’exploitation.

Nous comprenons les regrets de Tullow Oil, mais si ses réserves sur ses projets kenyans s’avèrent trop petites pour supporter les coûts d’un pipeline dédié, il gardera la possibilité de se raccorder au pipeline Ouganda-Tanzanie.

D’ici une éventuelle décision d’investissement en Ouganda, quelles sont les prochaines actualités de Total concernant l’exploration et la production en Afrique ?

Le projet de Moho Nord [qui doit produire 140 000 barils par jour], au Congo Brazzaville, entrera comme prévu en production en 2017, pour un investissement de près de 10 milliards de dollars.

Nous étudions de nouvelles opportunités en Côte d’Ivoire, où nous avons renégocié les conditions fiscales pour l’exploration du bloc CI100 et obtenu un nouveau permis, le CI605, en eaux très profondes.

En RD Congo, au sud-ouest du lac Albert, nous venons de réaliser une sismique [analyse des réserves d’un gisement par envoi d’ondes sismiques, ndlr] dont nous attendons les résultats dans les prochaines semaines. Si nous découvrons de beaux gisements, la faisabilité économique de ce projet serait facilitée par la proximité géographique avec le futur pipeline Ouganda-Tanzanie, même si on parle là du très long terme.

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