Carte : au centre du Mali, une constellation de groupes armés

Le village de Tiofol Ngoradji, dans le centre du Mali, a été le théâtre samedi 11 juin de combats entre des factions engagées dans la lutte contre le jihadisme. Pour y voir plus clair, Jeune Afrique vous propose de passer en revue les groupes armés qui se disputent la région, tous bords confondus.

Des soldats maliens, près de Mopti (archives). © François Rihouay/AP/SIPA

Des soldats maliens, près de Mopti (archives). © François Rihouay/AP/SIPA

Publié le 17 juin 2016 Lecture : 4 minutes.

Dans le Macina : deux groupes

  • Katiba Macina (Ansar Eddine)

On sait très peu de choses sur cette branche locale d’Ansar Eddine, le groupe jihadiste dirigé par le Touareg Iyad Ag Ghaly, qui a posté sa première vidéo sur le web le mois dernier. S’agit-il du groupe que l’on a longtemps appelé Front de libération du Macina (FLM), dont le chef serait le prêcheur peul Hamadoun Koufa, et qui est apparu début 2015 ? « C’est fort probable », estime un officier malien, qui rappelle que Koufa est un proche d’Iyad. Des sources locales évoquent de leur côté un chef touareg. Une chose est sûre : les hommes qui font régner la terreur au nom d’Allah dans le Macina depuis un an et demi, qui parlent peul pour la plupart (mais dans les rangs desquels on trouve d’autres communautés), se revendiquent d’Hamadoun Koufa. On ignore leur nombre et leurs motivations réelles. Ils s’en prennent aux représentants de l’État et à leurs complices (plusieurs agents des eaux et forêts et élus locaux ont été assassinés), ainsi qu’aux Casques bleus, et agissent dans le delta intérieur du Niger, dans les environs de Tenenkou, Nampala et Dioura, une zone très enclavées et inondée durant une bonne partie de l’année.

  • Les hommes de Hama Foune
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Ce groupe, qui n’a pas de nom, est le fruit d’un travail mené par le général Ismaïla Cissé (sans affectation depuis son retour de Malabo où il a officié comme ambassadeur), pour le compte de l’association Tabital Pulaaku, afin de déradicaliser et désarmer les jeunes Peuls du Macina qui auraient rejoint les groupes jihadistes ces dernières années, et de les intégrer au processus DDR (Désarmement, démobilisation, réintégration) prévu par l’accord de paix d’Alger. Ils seraient ainsi près de 200 à avoir déposé les armes, et sont cantonnés dans un camp situé à Fassala, en territoire mauritanien, tout près de la frontière avec le Mali. Il y aurait parmi eux d’anciens éléments du Mujao, des bandits ou encore des bergers qui avaient rejoint des groupes d’auto-défense. Leur chef est Hama Foune, un voleur de bétail notoire qui se serait battu avec le RUF au Libéria, qui a rejoint les rangs du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) en 2012, et qui prônait depuis son retour dans le delta intérieur en 2013 la création d’une milice peule pour se défendre contre l’Etat. Ce groupe suscite la controverse : plusieurs observateurs y voient un moyen pour Foune de se blanchir ; d’autres parlent d’une « milice peule » mise sur pied avec la bénédiction de l’État pour combattre les jihadistes.

… Ainsi que des bandits et des groupes d’auto-défense

Dans cette région sévissent également des coupeurs de route, des voleurs de bétail et des groupes d’auto-défense fondés sur des bases ethniques, dans le but de se protéger des exactions des jihadistes et des forces de l’ordre. De forts soupçons pèsent sur la création d’une milice bambara dans la région de Tenenkou.

Dans le Hayré, le Seeno et le Gourma : trois groupes

  • Gatia
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La milice à dominante Imghad dirigée par le général malien El-Hadj Ag Gamou est l’une des composantes essentielles de la Plateforme, une coalition de mouvements armés présents dans le nord. Longtemps considérée comme favorable au gouvernement malien, cette coalition s’est depuis quelques mois émancipée de cette « tutelle » et s’est rapprochée de ses anciens ennemis, membres de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA). Le Gatia a fait de cette région l’un de ses fiefs (il y possède plusieurs camps, dont un à Tin-Habou, près de Boni) et y chasse les rebelles et les jihadistes. Certains de ses membres sont accusés de participer au trafic de drogue, toujours très florissant au Mali.

  • Ganda Izo

Créé en 2008 dans le cercle d’Ansongo, mais plus connu depuis 2012, Ganda Izo est un mouvement armé peu actif (et peu équipé) à dominante peule – des Peuls sédentaires de la région de Gao pour la plupart, ayant une culture songhaï. Présent à Gao, Gossi et Tombouctou, il souhaite étendre son influence à la région de Mopti. « On travaille à ce que les Peuls de cette région qui ont pris les armes nous rejoignent pour être ensuite intégrés au processus DDR », explique un de ses dirigeants. Comme les autres mouvements armés, Ganda Izo aspire à bénéficier de ce processus et a besoin, pour cela, de recruter des jeunes combattants.

  • Dewral Pulaaku
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Selon Boukary Sangaré, grand spécialiste de la zone et auteur d’un rapport publié le mois dernier (Centre du Mali : épicentre du jihadisme ?), Dewral Pulaaku a été créée en 2014, à l’initiative de pasteurs nomades du Hayré et du Seeno. Il s’agit officiellement d’une association visant à défendre les intérêts des Peuls et à éviter les conflits intercommunautaires. Mais on compte en son sein des hommes qui ont pris les armes en 2012 et ont reçu un entraînement militaire dans les camps des groupes jihadistes à Gao, si bien qu’elle est considérée par plusieurs observateurs comme une œuvre de « blanchiment de jihadistes », comparable à ce qui a été entrepris au sein du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), deux mouvements créés après 2013 dans lesquels ont été recyclés d’anciens membres du Mujao, d’Aqmi et d’Ansar Eddine. Son président lui-même avait rejoint le Mujao à cette époque pour, dit-il, se défendre face aux exactions du MNLA. « Nous n’avons pas pris les armes pour attaquer l’État malien mais pour nous défendre contre nos ennemis », jure-t-il. D’après Sangaré, Dewral Pulaaku serait aujourd’hui divisé entre ceux qui souhaitent participer au processus DDR et ceux qui s’y refusent.

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