Inexorablement, l’Afrique du Sud glisse vers la récession
C’est un choc économique de grande ampleur que subit l’Afrique du Sud.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 28 juin 2016 Lecture : 3 minutes.
Selon l’Office national des statistiques (Stats SA), son PIB a enregistré un recul de 1,2 % au premier trimestre 2016 après une hausse de 0,4 % au quatrième trimestre 2015. L’Office incrimine le fort recul de la production minière (- 18,1 %) et l’impact de la sécheresse sur l’agriculture (- 6,5 %). Si l’activité ne repart pas durant le deuxième trimestre en cours (avril-juin), le pays sera déclaré en récession, comme en 2009, et l’on ne voit pas comment son activité pourrait croître de 0,6 % cette année comme le lui annonçait le FMI en avril.
Certes, son économie est la plus diversifiée d’Afrique, mais sa perte de vitalité ne date pas d’hier et ne lui laisse aucun espoir de contenir un chômage endémique, qui dépasse les 25 % : il lui faudrait une croissance annuelle de 5 % simplement pour absorber les classes d’âge qui arrivent sur le marché du travail.
Pour autant, les agences Fitch et Standard & Poor’s n’ont pas dégradé la note souveraine de l’Afrique du Sud, qui demeure un peu au-dessus de celle des catégories spéculatives. Le rand, la monnaie nationale, semble avoir ralenti sa chute par rapport au dollar. Celle-ci avait été de 25 % en 2015, attisant une inflation qui dépasse les 7 %. Depuis le 1er janvier, la dévaluation du rand n’est plus que de 3 %. Peut-être parce que les marchés ont fini par se persuader que la dégringolade des prix des matières premières (fer, or, platine) qui ont fait la fortune de l’Afrique du Sud était terminée.
Il ne faut pas pour autant en tirer la conclusion que le pire est passé, tant les maux sud-africains sont structurels. Citons les principaux. La pénurie d’électricité causée par la mauvaise gestion et les sous-investissements de la compagnie publique Eskom se traduit par des délestages qui peuvent durer une dizaine d’heures.
L’agitation sociale permanente, la xénophobie et la violence dissuadent les investisseurs
La production minière et industrielle en est fortement affectée, et un rapport du Département des entreprises publiques publié en mars 2015 avait évalué entre 1,7 et 6,8 milliards de dollars (entre 1,5 et 6,3 milliards d’euros) la perte mensuelle subie par le pays du fait de cette carence. Pour y remédier, il faudrait qu’Eskom investisse, d’ici à 2020, 19 milliards de dollars… dont elle n’a pas le premier cent.
Les inégalités se sont paradoxalement aggravées depuis la fin de l’apartheid, ce qui a engendré une agitation sociale permanente, une xénophobie et une violence – 16 000 meurtres par an – qui inquiètent les investisseurs étrangers et les travailleurs africains immigrés.
Il faut dire que la nomenklatura noire formée par le parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), s’est réservé les marchés publics que la politique du Black Economic Empowerment destinait à toutes les entreprises favorisant la promotion des Noirs, des Indiens et des femmes. La corruption fait des ravages au plus haut niveau, puisque le président Zuma lui-même est mis en accusation dans plusieurs affaires de pot-de-vin ou de détournement de fonds publics.
Le plus grave est que la politique économique du chef de l’État consiste à ménager la chèvre et le chou, la ligne marxisante de l’ANC et son aile libérale et mondialisée. Les changements à répétition du titulaire du ministère de l’Économie et des Finances trahissent ce pilotage économique à la godille. La réforme foncière avortée et le dangereux développement d’une société à deux vitesses expliquent la forte poussée des mécontentements et le mauvais moral des entrepreneurs.
Les élections municipales du mois d’août permettront de mesurer la confiance populaire dont jouit encore un pouvoir à la fois sûr de lui – puisque l’ANC avait obtenu 62,1 % des suffrages aux législatives de 2014 – et de moins en moins crédible.
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