Guinée équatoriale : des médias en manque de crédibilité

La crédibilité des médias souffre d’une remise en question qui ne connaît pas de frontières. Et la Guinée équatoriale n’y échappe pas.

Teodorin Obiang, le 30 septembre 2015 au siège des Nations Unies. © Frank Franklin II/AP/SIPA

Teodorin Obiang, le 30 septembre 2015 au siège des Nations Unies. © Frank Franklin II/AP/SIPA

Publié le 30 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la Guinée équatoriale. © Natacha KOLESNIKOVA/AFP
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Quel avenir pour la Guinée équatoriale ?

Le président Obiang Nguema, au pouvoir depuis près de quarante ans et réélu avec 93,7 % des voix en avril 2016, veut être l’homme qui a bâti un pays. Un État qui, jusqu’au milieu des années 1990, existait à peine. Jeune Afrique fait le point sur la situation politique et économique de la Guinée équatoriale.

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Ses causes varient bien sûr selon les pays. Dans les démocraties, elles sont le plus souvent liées aux pressions économiques engendrées par les progrès fulgurants des technologies de l’information et de la communication. Ailleurs, ce sont les milieux politiques qui exercent leur pouvoir de contrôle. Comme en Guinée équatoriale.

Le journalisme a une longue histoire dans notre pays. Tout a commencé en 1889, avec l’arrivée des premières imprimeries sur l’île de Bioko, appelée alors Fernado Poo. Une quinzaine de journaux étaient régulièrement réalisés et distribués à travers le territoire national. Nous avons plus tard hérité des installations et des moyens techniques apportés par le colonisateur espagnol, comme les locaux laissés par la TVE au lendemain de l’indépendance et qu’avait inaugurés, en grande pompe, Manuel Fraga Iribarne, alors ministre de l’Information et du Tourisme du général Franco.

La crédibilité et l’indépendance des journalistes sont régulièrement mises en doute 

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Aujourd’hui, plus d’une trentaine de revues, magazines et journaux circulent en Guinée équatoriale. Et la radio d’État fait face pour la première fois à une forme de concurrence, avec l’arrivée du groupe privé Radio et Télévision Asonga. Une telle situation pourrait laisser croire qu’un certain chemin a été parcouru en matière de pluralisme et de liberté de la presse. La réalité est pourtant tout autre pour les journalistes, confrontés à un culte de la personnalité qui n’est pas sans rappeler le franquisme.

Il suffit de regarder la une des quotidiens nationaux ou d’écouter les programmes de la RTVGE (Radio-Télévision de Guinée équatoriale) pour s’en convaincre.

Ce constat est encore plus vrai en matière d’audiovisuel. L’ensemble des moyens de communication et de diffusion est toujours placé sous le monopole de l’État, et les seules chaînes privées du pays, celles du groupe Asonga, sont détenues par le fils aîné du président, Teodoro Nguema Obiang Mangue. Dans ces conditions, et sans parler de censure, la crédibilité et l’indépendance des journalistes – qui, pour certains, n’hésitent pas à apparaître sur les plateaux vêtus de chemises aux couleurs du parti au pouvoir – sont régulièrement mises en doute.

Pas étonnant que la grande majorité de la population affirme ne pas regarder la télévision et n’accorder que peu de crédit à ce qu’elle lit dans la presse, dont la périodicité est trop aléatoire pour pouvoir fournir rapidement une information objective. Plutôt que d’aider les citoyens à se forger leur opinion propre, les professionnels de l’information semblent devoir se contenter de relayer la parole du gouvernement. S’ils choisissent une autre ligne éditoriale, ils risquent d’avoir à changer de métier.

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En 2014, Amparo Oba Efua, la présentatrice du programme Cultura en casa, émis sur la RTVGE, a été licenciée pour avoir organisé un débat jugé critique à l’égard du gouvernement, et la directrice de l’information de Télévision Asonga, Leticia Nguema, a été renvoyée après avoir autorisé la diffusion de quelques images montrant la dispersion d’une manifestation d’étudiants par les forces de l’ordre. Plus récemment, en décembre 2015, Bonifacio Ondo Obama Betoho, journaliste de la RTVGE à Bata soupçonné d’être lié à un parti d’opposition, a été suspendu de ses fonctions.

Maintenus sous surveillance, les médias sont réduits au silence. L’article 20 de notre loi fondamentale prévoit pourtant que « toute personne a le droit d’exprimer des pensées, idées et opinions » et « de communiquer ou recevoir librement une information avérée ». Il suffit donc de suivre les textes et de respecter la loi pour que notre profession retrouve sa crédibilité. Et la Guinée équatoriale avec elle.

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