Pourquoi la France va perdre Djibouti

Publié le 2 février 2015 Lecture : 2 minutes.

Dans le grand embouteillage des excellences venues présenter leurs condoléances au nouveau roi Salman d’Arabie saoudite, le 25 janvier, à Riyad, Ismaïl Omar Guelleh le Djiboutien s’est retrouvé assis sur un fauteuil d’un salon d’attente entre François Hollande le Français et Abdel Fattah al-Sissi l’Égyptien, devisant avec l’un puis avec l’autre et jouant brièvement les interprètes de hasard entre ses deux voisins. La veille, il avait fait les honneurs de son nouveau palais présidentiel made by China, à deux pas de l’ancien datant de l’époque coloniale et menacé d’asphyxie, au chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan, débarqué sur le tarmac d’Ambouli avec une armada de 180 collaborateurs, hommes d’affaires et gardes du corps.

Culotté, cet Erdogan, qui, défiant les consignes de ses services de sécurité, s’en est allé ensuite visiter la capitale la plus dangereuse au monde, Mogadiscio, entre deux attentats. Mais avisé aussi : en posant d’abord pied à Djibouti, cet imprenable balcon sur la mer Rouge et le golfe d’Aden, le long de l’une des artères maritimes de la planète, c’est auprès d’un petit pays qui se rêve en Singapour de l’Afrique orientale qu’il est venu investir. Cette petite mine d’or à ciel ouvert, la France, puissance en retrait, est en train de la perdre. À force de ne considérer Djibouti que comme une base militaire, à la fois caillou géostratégique et bac à sable pour l’entraînement de ses troupes d’élite, l’ancien maître colonial n’a pas vu son élève grandir, puis s’affranchir.

Signe patent de ce désintérêt, aucun responsable gouvernemental n’a fait le voyage à Djibouti depuis plus de cinq ans.

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Ici, dans cet îlot de francophonie perdu au coeur d’un océan anglo-arabophone, les investisseurs venus de Paris se comptent sur les doigts d’une main, l’Organisation internationale de la francophonie, censée promouvoir la langue d’Arthur Rimbaud et d’Henry de Monfreid, est aux abonnés absents, et au rythme où les jeunes Djiboutiens l’apprennent, l’anglais dans une génération aura remplacé le français. Signe patent de ce désintérêt, aucun responsable gouvernemental n’a fait le voyage à Djibouti depuis plus de cinq ans, pas même un ministre de la Défense depuis Michèle Alliot-Marie, alors que les Chinois ont parfaitement compris l’intérêt économique de ce hub aux portes de l’immense marché éthiopien. Difficile pourtant de reprocher à Ismaïl Omar Guelleh la moindre attitude antifrançaise.

Même si la France ne l’a guère ménagé, à l’époque pas si lointaine où elle jouait dans sa postcolonie une communauté contre une autre, le président djiboutien n’a pas cessé de lui offrir son meilleur visage. Jusqu’à cet accord-cadre, signé il y a un mois avec l’opposition et qui pourrait déboucher sur un gouvernement d’ouverture avant l’échéance présidentielle de 2016. Mais il a baissé les bras, résigné à faire face à ce qu’il considère comme une politique du mépris. "Nous ne quitterons jamais Djibouti, ce serait une folie", jurent les généraux français. Et si c’était Djibouti qui, lasse d’être la cendrillon d’une politique de gribouille, s’apprêtait à larguer les amarres ?

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